Voici un report qui a failli ne pas être. Tout simplement parce que l'Allemagne est le champion d'Europe des embouteillages cumulés, et le Nordrhein-Westphalen est lui-même le Land le plus embouteillé d'Allemagne. Il a fallu compter un peu plus du double du temps prévu pour arriver à la Christuskirche de Bochum, soit un peu plus de 2h, de la sueur et quelques crises de nerfs. Le hasard veut que, pour une fois, LAIBACH débute également en retard, dû à l'heure tardive de l'ouverture des portes et au nombre de personnes présentes. À 20h15, il y a encore la queue dehors.
On avait déjà vu LAIBACH dans cette même salle (notre report ici). On sait déjà que ce sera majestueux, qu'on va en prendre plein la vue. Pourtant, on se souvient que les murs effilés de l'église ne sont pas optimisés pour accueillir une video en 4:3. Malgré la beauté de l'endroit, le visuel ne valait pas un bon écran en arrière plan. Mais LAIBACH s'est déjà produit ici, en connaît à présent les moindres recoins, et pour un groupe qui contrôle tout de A à Z, il est impensable que cet à peu près se reproduise. On sort l'artillerie lourde. Pas moins de 4 projecteurs ont été installés dans la pièce, devant, derrière, sur les côtés et au balcon. Le show que l'on s'apprête à voir est unique, il est fabriqué aux dimensions des parois de l'église. Tout a été pensé pour CETTE salle. Rien que pour ça, chapeau bas.
Cela faisait longtemps qu'on attendait le retour des Slovènes. Le très bon Spectre de 2014 nous avait époustouflés, mais le show commencait doucement à dater. LAIBACH a parcouru plusieurs fois le monde avec ce spectacle depuis presque quatre ans et il était temps d'amorcer un peu de neuf. On ne vous le cache pas, à l'écoute de Also Sprach Zarathustra, on a pris un peu peur quant au déroulé du concert. LAIBACH réembrasse avec cet album sa tendance minimaliste, expérimentale. On s'est pas mal demandé comment le groupe allait composer ce nouveau show avec tant de diversités musicales.
Comme on s'y attendait, le concert débute dans le noir, avec quelques flashs de lumières, et surtout les musiciens du groupe seuls en scène, sans Milan et Mina. LAIBACH a toujours été un collectif plus qu'un groupe, dont les membres sont interchangeables au gré des projets. Pour cette tournée, les deux synthés sont toujours bel et bien présents, la batterie aussi mais son batteur a changé. Petite nouveauté, un guitariste fait désormais partie de la troupe. Ensemble, ils démarrent par une instrumentale qui nous met direct dans le bain.
Puis Milan finit par gagner la scène avec un costume... plus ou moins inédit. Pantalon et long manteau de faux cuir verni rouge. Le paradoxe avec le visage toujours aussi froid et fermé de Milan fait sourire. Il débute sur ein Untergang et enchaîne directement avec ein Verkündiger. Aucune pause n'est faite entre les trois premiers morceaux, on comprend alors que le concert est une seule grande et même pièce et non plusieurs chansons successives. Tout est lié, comme la pièce dont le groupe s'inspire. Le public est attentif, silencieux.
Après vingt bonnes minutes de chauffe, on est pris à la gorge par l'émotion qui se dégage de ce spectacle. Mais on trépigne tout de même. Voilà bien une demi-heure que le concert a débuté, et Mina n'est toujours pas là. Certes, elle se fait plus discrète sur ce dernier opus, mais il ne faut pas se le cacher, elle est aujourd'hui pour beaucoup dans le renouveau du succès de LAIBACH. Milan entre et sort de scène pour laisser régulièrement les musiciens jouer seuls leurs pièces. Tout est feutré et superbement amené. Mina fait enfin son apparition, du moins on le suppose puisque arrivent les premières notes de Vor Sonnen-Aufgang. Son interprétation vous crève le coeur tant c'est doux, léger, juste, comme les pas d'un chat dans la neige. On retient tout particulièrement la reprise de Klaus Nomi (ou d'Henry Purcell, vous choisissez) Cold Song, à donner des frissons.
La chanteuse va rester sur scène pour quelques titres avant de regagner de nouveau les coulisses. Au fond de la salle, aux commandes, Ivan Novak regarde de près son oeuvre. En véritable chef d'orchestre, il offre au spectacle sa parure de luxe.
Pas d'entracte dans cette nouvelle version, LAIBACH enchaîne directement avec des anciens titres de son répertoire, une petite surprise du côté des Français que vous apprécierez demain au Trabendo, et étonnament, on retrouve aussi du Spectre, avec Bossanova. Difficile de lier toutes les influences du groupe en un concert, mais impossible n'est pas LAIBACH.
Le groupe revient sur un rappel plutôt bouillant avec la célèbre reprise de blues See that my grave is kept clean, à la sauce LAIBACH évidemment. On a rarement vu Mina se défouler autant sur scène. Le groupe a décidé de montrer une autre facette qui lui va à ravir. Finalement, comme à chaque concert de LAIBACH, je conclus : c'est le meilleur concert de LAIBACH qu'il m'ait été donné de voir. Les Slovènes savent se renouveler à tous les coups, s'adapter à l'environnement, à leur propre diversité musicale au fil de leur carrière, et ce en donnant chaque soir la même énergie et la même émotion. Courez-donc demain les retrouver au Trabendo à Paris !
Setlist :
01. Von den drei Verwandlungen
02. Ein Untergang
03. Ein Verkündiger
04. Von Gipfel zu Gipfel
05. Das Glück
06. Die Unschuld II
07. Das Nachtlied II
08. Das Nachtlied I
09. Als Geist
10. Vor Sonnen-Aufgang
11. Parnassus
12. Cold Song
13. Antisemitism
14. Brat Moj
15. Hell: Symmetry
16. Le Privilège des Morts
17. Ti Ki Izzivas
18. Wirtschaft ist tot
Rappel :
19. Bossanova
20. See that my grave is kept clean