Laibach @ Christuskirche - Bochum (DE) - 23 mars 2019

Live Report | Laibach @ Christuskirche - Bochum (DE) - 23 mars 2019

VerdamMnis 27 mars 2019 Cécile Hautefeuile Cécile Hautefeuille

C'est presque devenu une tradition. Depuis que LAIBACH a déniché la Christuskirche de Bochum, il n'en part plus. L'endroit, bien qu'esthétiquement imposant et majestueux, fait néanmoins fuir nombre d'autres groupes en raison de son acoustique difficilement maîtrisable. Effectivement, la première tentative en 2016 lors de la tournée Spectre était restée en demi-teinte, avec un effort d'adaptation des visuels sur l'enceinte de l'église, mais un son pas très recommandable. Le deuxième passage du groupe en 2017 avait été beaucoup mieux adapté à la salle et on n'en attendait pas moins du troisième.

LAIBACH se produit très régulièrement depuis quelques années, cela ne l'empêche pas de se renouveler. Nouveau show, costumes et visuels, nouvel album, et même nouvelle chanteuse. Tout est neuf, et hormis le trente-sixième degré requis pour assister au concert, vous ne retrouverez rien - ou presque - des anciens concerts du groupe. LAIBACH n'est pas là pour fidéliser un public et rejouer les mêmes standards pendant vingt ans. Il propose chaque fois un concept neuf, une oeuvre complète.

Certes, cette oeuvre n'est pas des plus récentes, ni dans sa version originale, ni même dans sa reprise de LAIBACH. The Sound of Music, ou La Mélodie du bonheur, est une comédie musicale qui se joua d'abord sur les planches dans les années cinquante avant d'être adaptée sur grand écran en 1965, reprenant le témoignage couché sur papier de l'Autrichienne Maria Augusta von Trapp. Quant à sa reprise par LAIBACH, elle était déjà en cours d'adaptation en 2015, lors du passage du groupe en Corée du Nord, et donnait le ton de la tournée Spectre dès 2016, dont la setlist incluait déjà plusieurs titres de la comédie musicale (Do Re Mi, Edelweiss, The Sound of Music, My favorite Things).

Le documentaire retraçant l'épopée nord-coréenne Liberation Day fut reporté, et LAIBACH est finalement revenu en 2017 avec Also Sprach Zarathustra, un autre album concept où on ne l'attendait pas. On désespérait donc d'avoir des nouvelles de La Mélodie du Bonheur, jusqu'à la sortie en 2018 de l'album dont on vous donne tous les détails ici [chronique]. Et cette fois-ci, on a donc pu profiter pleinement de cette Mélodie façon LAIBACH.

Milan Fras débarque, tout vêtu de blanc, rejoint par ses musiciens et par la jeune chanteuse suédo-slovène Marina Mårtensson, invitée de cet album et de cette tournée, et qui remplace donc - juste pour un temps, ne vous inquiétez pas - l'incontournable Mina Špiler. Mårtensson est reconnue dans le monde entier comme l'une des plus belles voix du monde, claire et chaude, subtile, mesurée, qui arrache des émotions aux pires psychopathes. Et de fait, elle en fait la démonstration dans cette église à l'envergure de la puissance de sa voix. Lorsqu'elle n'est pas sur scène, Marina Mårtensson enseigne le chant aux petites têtes blondes. C'est donc assez naturellement que les chœurs de cet album ont été enregistrés par ses élèves, qui apparaissent en arrière-plan pendant le spectacle. Bref, Marina fait désormais partie de la famille.

Tout comme l'album, le concert autour de The Sound of Music est sympathique, agréable, du pur LAIBACH. Mais il n'apporte rien de transcendant à la discographie du groupe. La moitié des titres avaient déjà été joués auparavant, on savait donc déjà à quelle sauce nous allions être mangés. Petite déception aussi du côté des guests, puisque Boris Benko, qui interprète plusieurs morceaux et qui a participé activement à la création de cet opus, ne fait pas partie de la tournée. S'il a fait une apparition applaudie par le public de Berlin, à Bochum, il faudra se contenter de sa version télévisée. Il est remplacé par son playback, tout simplement.

Après le traditionnel entracte de quinze minutes (le temps de vidanger la vessie et de faire le plein des gobelets), le groupe remonte sur scène dépoussiérer ses vieux, très vieux standards. Mi kujemo bodočnost, Smrt za smrt, Nova Akropola, Vier Personen, Krvava Gruda / Plodna Zemlja ; l'ambiance poppesque du début du concert vire très vite au post-indus dark-ambient oppressant. Certes, les versions revisitées sont plus abordables, mais le contraste reste frappant. Ti ki izzivaš est l'occasion pour le public de prendre sa dose de Mina Špiler, qui apparaît furtivement sur les murs projetée en 4x3. Cette seconde partie du show permet aux musiciens de taper quelques instrumentales bien jouissives aux côtés d'un Milan Fras impassible.

C'est finalement le rappel qui fait l'unanimité. On démarre au quart de tour avec la fameuse reprise de Sympathy for the Devil, qui refait basculer le concert dans une ambiance pop-rock musical pour gothiques. On se surprend à reprendre en chœur les kitchissimes "whoohoo!". Puis on enchaîne avec le tout frais The Coming Race, bande originale du futur Iron Sky, originellement interprété par Maria Maya. On y découvre sur scène une Marina Mårtensson transformée. Si son tour de chant avait jusque là convaincu l'audience sans problème, sa présence scénique sonnait un peu faux. On la sentait étriquée, dans son manteau baroque, les cheveux tirés à quatre épingles. Le rappel nous donne à voir un tout autre personnage, folklorique et disco, à base de combinaison retro, veste à franges et cheveux ébouriffés. L'interprète se déhanche, se déchaîne et donne à sa voix un timbre jazz époustouflant qu'on dirait sorti de nulle part.

Lorsque l'on prend quelques secondes de recul et que l'on toise la salle, on commence à se demander où est-ce qu'on est tombé. La réponse, c'est Milan Fras qui nous la donne sur le dernier morceau inédit Surfing through the Galaxy. On est à la kermesse. Marina empoigne sa guitare acoustique, Milan empile son chapeau de cowboy par-dessus sa coiffe et nous gratifie d'une petite danse timide du bout du poignet, le tout sur un fond de projection de pixelart de jeu shoot them up représentant Fras sur une fusée-phallus tentant de dézinguer des déchets répandus dans l'espace. La classe. C'est un fou-rire général qui clôt ce concert hors norme. Woohoo!

Setlist :

Acte 1
01. The Sound of Music
02. Climb Ev'ry Mountain
03. Do-Re-Mi
04. Edelweiss
05. My Favorite Things
06. The Lonely Goatherd
07. Sixteen Going on Seventeen
08. So Long, Farewell
09. Maria/Korea
10. Arirang

Acte 2
11. Mi kujemo bodočnost
12. Smrt za Smrt
13. Nova Akropola
14. Vier Personen
15. Krvava Gruda / Plodna Zemlja
16. Ti, Ki Izzivaš

Rappel :
17. Sympathy for the Devil
18. The Coming Race
19. Surfing Through the Galaxy

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