Plus tôt dans la semaine, VRDA vous proposait un live report du concert de LAIBACH à Bochum, dans l'impressionnant décor de la Christuskirche. Même si on se doutait bien que le Trabendo proposerait un tout autre cadre, un passage des Slovènes à Paris ne pouvait nous échapper. On peut dire que le Trabendo se trouve dans le jardin du Zénith, où jouait ce soir GORILLAZ : on n'échappe donc pas sur la route à un paquet de revendeurs qui veulent nous refiler une place pour aller voir les copains de Damon Albarn. Laissez tomber les gars, y'a LAIBACH.
LAIBACH n'est pas un groupe facile à appréhender. Leur musique n'est pas des plus accessibles, les musiciens ne se laissent pas franchement approcher, cultivant une image froide et distante et c'est donc en toute logique que leurs concerts sont, eux-aussi, assez hermétiques. Le groupe joue sans première partie : quand on vient voir LAIBACH, on vient voir LAIBACH, aucun élément extérieur ne vient parasiter "leur" soirée. D'ailleurs, en arrivant au Trabendo on est plongés dans l'ambiance bien avant qu'ils ne montent sur scène : pendant une bonne heure, une nappe sonore évoquant une sirène d'alarme va passer en boucle pendant que les projecteurs balayent la salle à la façon de miradors. Quand un vigile vient me demander si j'ai bien mon accréditation, il a beau le faire gentiment, j'entends dans ma tête un "papieren bitte !" qui me donne l'impression d'avoir été surpris au pied d'un très grand mur, alors que ce fichu projecteur revient se braquer sur moi et m'aveugler.
Ici, on est disciplinés. Et quand à 19h59 la sirène d'alarme monte en volume on sait que le groupe commencera sans retard. Arrivant progressivement sur scène, les musiciens entament leur set dans le noir, de manière bruitiste (Luka Jamnik arrive en premier et envoie de derrière son synthé une nappe de basse qui fait trembler la salle). Ceux venus pour voir LAIBACH en mode best-of enchaîner ses hits les plus accrocheurs vont vite se demander ce qui leur arrive, alors que le groupe slovène semble ne jouer que des titres de leur dernier album, le minimaliste et expérimental Also Sprach Zarathustra (chronique). Milan Fras finit par arriver sur scène, son improbable manteau rouge brillant sur les épaules et sa moue boudeuse et intransigeante plaquée au visage, aiguisant ses machettes sur Ein Verkündiger. Comme souvent avec LAIBACH, on ne sait pas trop si on doit rire ou trembler.
Au bout d'une quarantaine de minutes toujours consacrées à Also Sprach Zarathustra, Mina Špiler arrive enfin sur scène pour Vor Sonnen-Aufgang dans une ambiance devenue étouffante. Il faut dire que les morceaux du dernier album de LAIBACH sont plutôt oppressants, et le groupe se produisant dans l'obscurité d'un Trabendo bondé, l'atmosphère est plus qu'irrespirable. La voix de la chanteuse apporte une bouffée d'air au concert, en plus d'attirer sur elle des lumières qui nous sortent de l'obscur cauchemar dans lequel on était jusque-là plongés. Le show devient un poil moins étouffant alors que le groupe se met à jouer des morceaux plus anciens, de la reprise de Cold Song à la classique Brat Moj et que Milan et Mina s'accaparent la scène à tour de rôle. Chauvin, le public français réagit particulièrement à Le Privilège des Morts (imaginez s'ils avaient jouer leur reprise de Gainsbourg...). Allant crescendo en intensité, le concert s'achève sur un rappel endiablé avec deux titres de l'excellent Spectre, album moderne et accrocheur aux antipodes de Also Sprach Zarathustra. Sur Bossanova, on est surpris par l'apport sur scène d'une guitare très présente avant que LAIBACH n'achève son show sur la géniale reprise de See that my Grave is Kept Clean, particulièrement groovy comparée à leur discographie. Toute la setlist semblait mener progressivement à ce moment où le groupe lâcherait finalement les chevaux, à moins qu'il ne s'agisse d'une concession qui permettrait aux fans les plus claustrophobes de rester en vie ? Connaissant LAIBACH, on ne les imagine pas céder à ce genre de compromis.
LAIBACH sur scène, c'est un peu comme une version dark et boudeuse de KRAFTWERK : on n'y va pas franchement pour la chaleur humaine, tout est parfaitement calculé et maîtrisé et les musiciens sont plus disciplinés les uns que les autres. Ce soir-là, les Slovènes ont proposé un show dans la lignée de leur dernier album : opaque et riche, déstabilisant et difficile d'accès, qui doit se mériter, jamais prévisible, refusant toute facilité ou paresse.
Setlist :
01. Von den drei Verwandlungen
02. Ein Untergang
03. Ein Verkündiger
04. Von Gipfel zu Gipfel
05. Das Glück
06. Die Unschuld II
07. Das Nachtlied II
08. Das Nachtlied I
09. Als Geist
10. Vor Sonnen-Aufgang
11. Parnassus
12. Cold Song
13. Antisemitism
14. Brat Moj
15. Hell: Symmetry
16. Le Privilège des Morts
17. Ti Ki Izzivas
18. Wirtschaft ist tot
Rappel :
19. Bossanova
20. See that my Grave is Kept Clean