Box and the Twins
Depuis pas mal de temps, l'association colognaise Attaque Surprise organise concerts et soirées à tonalité dark, plutôt très dark même. Par malchance, VRDA a manqué jusqu'ici le travail accompli de ce promoteur, et presque par hasard, il se retrouve au concert de LEBANON HANOVER au Gebäude 9, installé sur les quais. Coincé entre le Tanzbrunnen, la Lanxess Arena et la Köln Messe, le bâtiment ne paye pas de mine. On dirait même plutôt un squat, dans lequel on a un peu peur d'entrer. La porte de la salle est fermée, et comme une dernière blague avant la soirée, un panneau affiche sur la porte que le concert est transféré dans une autre salle. Alors qu'en fait... pas du tout. Une fois à l'intérieur, on se rend mieux compte du potentiel de la salle. On s'attendait à un bar transformé en scène de spectacle, comme au Blue Shell, à la MJC ou au Luxor, les trois petites salles du centre ville. Mais le Gebäude 9 semble pour l'occasion gigantesque. On y case facilement deux ou trois Gibus. Et on se demande presque aussitôt pourquoi si peu de groupes viennent y jouer.
Avec pratiquement une heure de retard, la soirée débute avec BOX AND THE TWINS. Il est possible que vous connaissiez le groupe depuis cet été, car il fut programmé sur le MS Rheinenergie de l'Amphi Festival, ainsi qu'à la Stadtbad de Leipzig pour le WGT. Si vous les avez ratés, c'est un tort : le groupe colognais monte doucement mais sûrement depuis trois ans et n'est pas prêt d'arrêter son ascension. Il est originellement composé de Box, sa chanteuse charismatique, et de Marc et Mike, les jumeaux. Box, vous la connaissez sûrement au travers de son duo Burning avec notre hexagonale Hélène de Thoury et son projet HANTE. Pour les jumeaux, on repassera. Car Marc est aux abonnés absents ce soir-là. L'étudiant en médecine avait-il un autre labeur à accomplir ce jour-là ou est-ce un changement de line-up ? Toujours est-il que le guitariste est remplacé par... une claviériste. Mike troque sa basse pour la guitare, qu'il partage sur certains morceaux avec Box. Le reste est assuré par l'ordinateur.
De ce changement, guère de fâcheuses conséquences. Le set se déroule parfaitement, selon la mise en scène passive agressive de la chanteuse aux pieds nus. Si vous souhaitez un descriptif de la musique de BOX AND THE TWINS, sachez que le groupe a horreur des boîtes dans lesquelles on aimerait les faire entrer. Pour les plus sceptiques, on dira que c'est un énième groupe de shoegaze qui joue sur toutes les reverbs possible dans une ambiance sombre et blasée. En fait, il est peu de groupes du genre qui se différencie, et c'est pourquoi BOX AND THE TWINS revient tinter à nos oreilles. C'est l'exception qui confirme la règle, le groupe de dark pop qu'on attendait depuis longtemps. Retenez-le, car vous n'avez pas fini d'en entendre parler.
Lebanon Hanover
Il y a des journées comme ça, où tout commence mal. Et pour le concert de LEBANON HANOVER, tout a débuté un jour auparavant, le vendredi 6 octobre, que je pensais être vendredi 7, lorsqu'en se pointant devant la salle, j'ai constaté que le concert se déroulait... le lendemain. Nous voilà donc samedi 7, on remballe appareils, batteries et cartes mémoire, et on se donne un peu de courage, après une journée de boulot bien rinçante. Seulement voilà, ça rince aussi dehors, et plutôt pas mal. Ajoutez à cela une Lanxess Arena pleine pour Helene Fischer (la Johnny Hallyday allemande en terme de célébrité. Musicalement, l'Allemagne est restée bloquée sur la dance des 90's. Rajoutez un peu de pop à la Britney et vous avez Helene Fischer), et une exposition noire de monde à la Köln Messe, et vous obtenez des embouteillages de trois quarts d'heure pour un trajet qui devait s'effectuer en 7 minutes. En arrivant, vous prenez la bonne averse qui va bien et vous arrivez donc au Gebäude 9 fatiguée, en retard, trempée, suintant le chien mouillé. Fort heureusement, le concert de BOX AND THE TWINS vous a bien réveillée et vous avez eu le temps de sécher. Il est donc l'heure d'embarquer pour LEBANON HANOVER.
Cela fait sept ans que ce duo improbable s'est formé et a littéralement renversé la scène dark. C'était le groupe dont la scène avait besoin. Mélange de mélodies ultra retro et d'une fraîcheur inégalable, LEBANON HANOVER a emporté le coeur des gruftis désabusés. Je me souviens encore de mon premier concert au Summer Darkness 2013 aux Pays Bas. Le groupe joue au premier étage, dans une petite pièce un peu glauque pleine de miroirs et d'ampoules. Une ambiance à la Blade Runner, lumière plus que tamisée. Et ses bruits de couloir : "il faut que t'ailles faire un tour à LEBANON HANOVER, ce groupe là va exploser". Tandis que les grandes scènes se gargarisent de boom boom electro-indus au rez-de-chaussée, les fourmis grouillent au premier. Le concert est complet. La porte reste ouverte et le public s'attroupent dans le couloir pour apercevoir la scène. Les deux extraterrestres Larissa Iceglass et William Maybelline hypnotisent le public, avec leur air de ne pas y toucher, introvertis jusqu'à la moelle, les yeux toujours à demi-clos de Larissa qui se perdent dans le vide, et toujours aucun commentaire entre les chansons, ni bonjour, ni merci. On peut croire à une mise en scène de goth blasé comme on en a l'habitude dans la scène darkwave. CLAN OF XYMOX est le digne représentant des groupes qui font le plus la gueule sur scène. Mais il se dégage quelque chose de tragiquement sincère chez LEBANON HANOVER. Le duo semble réellement sorti d'un autre siècle, et mal-adapté au monde d'aujourd'hui. Ce qu'ils sont sur scène, ils le sont à la ville. Costume et chaussures de dandy pour Maybelline, jupe austère et coupe à la garçonne pour Larissa. Lorsqu'on les croise dans la foule, ils sont timides, le regard fuyant, ils évitent les gens. Silencieux, observateurs, malhabiles. Après ce premier concert, je fais partie de ceux qui se précipitent au merchandising acheter l'album. On connaît le regain d'interêt pour le vinyle, devenu une nouvelle façon pour les artistes de renflouer les caisses. Mais LEBANON HANOVER ne souhaite pas utiliser tous les supports pour attraper les pigeons. Il pousse sa logique jusqu'au bout, refuse de quitter son époque, quitte à fâcher quelques fans : son premier album n'est disponible qu'en vinyle. Tant pis pour ceux qui n'ont pas de tourne-disque. Cette rebellion tout en silence, on la retrouve évidemment dans leur clip Gallowdance, qui n'a besoin que de quelques mesures pour expliciter son message.
C'est cet univers, cette sincérité qui en fait le groupe de la décennie dans sa catégorie. Le reste du clip ressemble à s'y méprendre à la parodie des Inconnus Et vice et versa (Tranxen 200 represents). Les premières mesures font éternellement penser à l'international A Forest de THE CURE. Les voix n'ont rien d'irremplaçables. Bref, rien de nouveau dans la vague post-punk / darkwave retro à souhait. Et pourtant, l'improbable se produit. Ce kitsch séduit le public européen, et la performance scénique fait tomber de cul.
Revenons à Cologne, où le concert se déroule devant une foule très, très nombreuse, La salle paraissait étonnament grande pour un groupe venu des profondeurs de l'underground. Quelle surprise de voir un tel attroupement hors festival. Chaque début de morceau est suivi d'une ovation. LEBANON HANOVER ne possède en quelques années déjà que des "tubes" (terme que le groupe haïrait). Hall of Ice, Gallowdance, Kunst, Northen Lights... Mais encore une fois, le groupe étonne et ne joue pas certains incontournables, comme Babes of the 80s ou I Believe you can Survive.
Le groupe ne prévoit qu'un rappel. Dommage, car le public en réclame un deuxième. Un peu décontenancé, LEBANON HANOVER revient sur scène, et William Maybelline donne de nouveau de sa personne en se trémoussant frénétiquement, terminant le concert sur des cris incontrôlés. Mon meilleur concert du groupe jusque là.
On remercie la main innocente d'avoir tenu si prodigieusement la setlist.