Vous nous connaissez, ici, sur VRDA, on aime les musiques sombres. On aime les ténèbres, la rancœur, la solitude et la tristesse. Pour nous, une bonne fête, c'est seul, dans un sous-sol humide, à écouter la réverbération des gouttes de pluie sur la pierre froide et s'il peut y avoir quelques araignées, c'est tant mieux. Pourtant, après les longs mois d'isolation terne imposés par vous-savez-quoi, on s'est dits qu'on allait se risquer à se mélanger à la populace le temps d'une soirée "festive" pour les moldus, genre événement souriant où tout le monde est de bonne humeur. LES RAMONEURS DE MENHIRS venaient faire sonner leur punk celtique au Trabendo et avaient apporté dans leurs valises DIRTY SHIRT, glorieux groupe Roumain de metal balkanique. Des gros riffs bien lourds, des binious, du violon, des pogos, des rengaines punk-rock et un public de tout âge, de tout look et aux regards bienveillants ? Mazette, c'est que les odeurs de la vie ça fait un peu peur !
DIRTY SHIRT
Il arrive qu'ils soient une quinzaine sur scène, quand ils décident de ramener avec eux un petit orchestre folklorique. Ce n'est pas le cas ce soir : DIRTY SHIRT se présente en formation "simple", et quelque-part ce n'est pas plus mal, la bande avait visiblement des fourmis dans les jambes et, bien que confortable, la scène de Trabendo n'est pas non plus une pelouse de stade. Moins de monde sur scène, ça fait plus de place pour gambader, ce dont ne se privent pas les musiciens.
L'adhésion est immédiate, DIRTY SHIRT sait séduire avec son duo de chanteurs charismatiques (Dan « Rini » Crăciun ne tient pas en place et fait le show rien qu'avec ses mimiques), c'est dynamique, accrocheur et fou. On y parle produits traditionnels roumains, de Dracula à O-Zone et la bonne humeur de tout le monde est communicative. Avec son mélange de neo-metal, d'indus, de hardcore et de folk lancé à pleine vitesse, DIRTY SHIRT évoque toute la démesure des fêtes balkaniques, le tout saupoudré d'une ironie parfois virulente et surtout de quelques pauses plus mélancoliques (Hora Lenta et ses chœurs soutenus par le violon, ou Saraca Inima Me, chanson traditionnelle sur laquelle Crăciun communique une sacrée émotion tout en démontrant l'étendue de ses capacités vocales). Pour le reste, c'est la grosse bringue, de Put it On à Palinca, le concert s'achèvant comme leur dernier album commençait, sur l'énergie folle de Latcho Drom, comme un refus de laisser la fièvre retomber. DIRTY SHIRT est une célébration de la vie dans toute sa frénésie et ça fait sacrément du bien. Le groupe sera de retour chez nous en 2022, notamment au Hellfest, au Plane'R Fest et au Festival Les Bichoiseries.
Setlist :
New Boy in Town
Ciocarlina
Put it On
Fake
Nem Loptam
Hora Lenta
Nice Song
Geamparale
Rocks Off
Saraca Inima Me
Bad Apples
Moneyocracy
Dirtylicious
Maramu
Palinca
Latcho Drom
LES RAMONEURS DE MENHIRS
Il paraît que le Trabendo n'était pas complet. Ce n'est pas l'impression que l'on a devant la scène, où la foule s'est amassée pour le show des RAMONEURS DE MENHIRS. Dès le début, on y pogote avec conviction mais bienveillance, il s'agirait de ne pas écraser les nombreux fossiles de plus de trente ans, ni les petits enfants de moins de dix. La bienveillance, c'est peut-être le mot-clé de la soirée, dans le public mais aussi dans le regard du guitariste Loran, dont ni les grimaces ni les coups de gueule qui ponctuent les différents titres ne viennent effacer la tendresse.
La recette des RAMONEURS DE MENHIRS a fait ses preuves et il n'y a pas vraiment de raison de la changer. Les musiciens se succèdent au micro, Richard Bévillon ouvrant la danse avant de retrouver sa cornemuse et le groupe alterne entre compositions originales et reprises, tapant dans le répertoire punk-rock et celui des musiques traditionnelles bretonnes. Très en verve, Loran n'en oublie pas non plus ses engagements politiques, dédiant d'emblée le concert à l'esprit de la Commune de Paris et multipliant les interventions notamment contre les violences policières (il s'allume un petit joint et dédie ce "pétard qui au moins ne tue pas de jeunes" à Darmanin, pour le plus grand plaisir des campagnes de prévention contre le cannabis).
La deuxième partie du show est l'occasion d'enchaîner les reprises, de Gilles Servat aux Bérus, en passant par TROMATISM. L'occasion en 2021 de se trémousser à nouveau sur Porcherie (quel esprit dépressif aurait alors pu penser que, 35 ans plus tard, le front national serait toujours là, mais qu'il n'y aurait presque plus aucune jeunesse pour lui faire face ?) et de constater que même quand LES RAMONEURS DE MENHIRS s'attaquent à un hymne régional, ils ne choisissent pas au hasard et sélectionnent des textes cohérents avec leur univers (La Blanche Hermine). La sincérité et la générosité, toujours, jusqu'au dernier moment où le groupe joue la montre et repousse l'heure d'aller se coucher pour nous offrir un final sur Viva la Revolution de THE ADDICTS.
On ne va pas se mentir, un peu d'ondes positives, ça fait (parfois) pas (trop) de mal. Promis, la prochaine fois on ira de nouveau voir de la musique méchante et dépressive dans un recoin sombre. Mais le temps d'une soirée au Trabendo, on s'est bien amusés grâce à deux groupes qui savent porter un regard pertinent et parfois virulent sur le monde sans oublier d'offrir à leur public un bon moment.
Setlist :
If the Kids Are United
'Vel un Tour-tan
Menez Daou
Fuck the System
Marijanig
Ar We’enn-avalow
BellARB
Nomades
Dañs Gwadek
Ibrahim
Porcherie
Makhnovtchina
Exarhia
Auschwitz Planète (Amzer An Dispac'h)
La Blanche Hermine
Vive le feu
Sucks
Viva la Revolution