Lorsque les Volcans Dorment + Paul Parking + Wohosheni @ La Mécanique Ondulatoire - Paris (75) - 13 mars 2025

Live Report | Lorsque les Volcans Dorment + Paul Parking + Wohosheni @ La Mécanique Ondulatoire - Paris (75) - 13 mars 2025

Pierre Sopor 18 mars 2025

Presque un an et demi après le premier concert de Lorsque les Volcans Dorment, le collectif post-rock fêtait la sortie de son premier album éponyme (chronique) à la Mécanique Ondulatoire et son sous-sol intimiste et chaleureux. L'atmosphère était à la bienveillance et à l'écoute, le groupe mettant en valeur les paroles de personnes en minorité de genre afin de leur offrir un espace d'expression cathartique dans une quête d'apaisement et de guérison.

WOHOSHENI

Mais avant, Wohosheni a pour mission de lancer la soirée. Face à un public attentif, l'artiste se tient seule sur scène, ça demande du courage et heureusement que dans cette ambiance à la fois détendue et amicale le public est attentif. Un rock sombre aux influences doom et folk, des passages atmosphériques, d'autres plus dures : Wohosheni incante à l'ombre des pierres de la Mécanique Ondulatoire, c'est mélancolique, hypnotique aussi. On y retrouve des petits airs d'autres projets évoluant dans les mêmes eaux troubles (Dool, Chelsea Wolfe ou encore Anathema que l'artiste cite en influence), cultivant ce goût pour le clair-obscur, l'expression viscérale et une sobre élégance. On sent par-ci par-là, au détour d'un cri, d'un passage plus obscur, un goût également pour les musiques plus extrêmes. Si la solitude de la multi-instrumentiste sur scène souligne l'aspect très personnel de sa musique et canalise toute l'attention sur elle, on se demande quelle allure pourrait avoir le son avec un line-up plus conséquent car la musique de Wohosheni, loin d'être minimaliste, tend souvent à occuper l'espace, à exploser, à prendre de l'ampleur. Avec ses accents mystiques et ses émotions sous-jacentes souvent contenues, ce set était une belle découverte, intrigante et pleine de promesses.

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PAUL PARKING

Dans le génial groupe noise rock Psychotic Monks, Paul est derrière une basse, des claviers, une trompette ou parfois un micro. En solo et sous le nom de Paul Parking, la trompette n'est jamais loin et apporte une touche acoustique et organique à un set électronique auquel il pose quelques mots. On retrouve alors la même envie de créer, le même appétit ludique que dans Psychotic Monks, ce goût pour le mélange, les rencontres sonores, les expériences. On se demande quelle part d'improvisation l'artiste s'autorise-t-il au fur et à mesure que son set gagne en intensité, laissant petit à petit les fioritures pour nous brasser façon machine à laver avec de la techno pleine de basses profondes. En voilà un qui aime titiller nos esprits et faire appel à notre imagination avant de s'en prendre aux tripes ! Pendant ce temps, la salle s'est remplie, la température a grimpé et cette montée en puissance était la bienvenue alors que l'atmosphère devenait de plus en plus électrique, comme un besoin de suer de plus en plus palpable dans l'air.

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LORSQUE LES VOLCANS DORMENT

C'est donc face à une assemblée dense que les Volcans prennent position sur scène. Il y a du monde sous les spots et, là encore, on sent qu'on ne va pas greloter. Pourtant, Lorsque les Volcans Dorment sait aussi faire dans le polaire quand, au gré de la boite à rythme, se devinent les influences industrielles du projet. Le premier album est joué en intégralité et dans l'ordre. Chaque morceau est accompagné d'un texte récité ou chanté par une personne différente. Slam, poésie, chant saturé : peu importe la forme, le verbe résonne et claque. L'ironie de Sélia Louise Château dont la diction contraste avec la frénésie de Monstruations, les mots percutants d'Adiel Goliot, à la fois tendre et écorché sur Volcan en Torpeur, le spleen de la trompettiste Camilla Sferazza sur Au-delà d'une Fenêtre, l'expressivité théâtrale de Garance Ameline sur la mordante L'Oeil du Cyclone, ou l'impressionnante rage d'Aline Boussaroque sur La Chute du Pélican : les styles varient, chacun.e raconte ses traumas et ses peines avec hargne, avec poésie, mais il s'en dégage aussi une souvent beaucoup de tendresse.

Car si Lorsque les Volcans Dorment laisse exploser quelques tempêtes furieuses (La Chute du Pélican, joué en fin de set, remplit ainsi bien son rôle d'éruption cathartique, apogée viscérale), c'est pour mieux mettre l'accent sur la guérison, sur l'avenir. On sent que, malgré la jeunesse du projet, la performance scénique a été réfléchie : au fil des intervenant.e.s, des accessoires accompagnent la musique (cadre photo, mobile de pélicans, ou le manifeste imprimé par le groupe qui accompagne l'album), des objets symbolisant les histoires racontées comme pour mieux donner vie à autant d'univers intimes. Sur scène, on se serre les coudes, au propre comme au figuré : la solidarité du projet est illustrée par la proximité imposée par les lieux. Il faut faire tenir des guitares, une basse, un clavier, un violon, une trompette... Tout le monde n'a pas la même place sous les spots mais peu importe, cette impression de cohésion et de complicité en ressort renforcée.

Dans la pénombre et entre les pierres de la Mécanique Ondulatoire, après nous avoir fait suer à grosses gouttes et, surtout, nous avoir invité.e.s dans une démarche qui ne se cantonne pas qu'à la musique, tout ce collectif prend la pose et rigole sur scène : "des traumas et du fun" nous disait Virginia B. Fernson, à l'initiative du projet. C'est pudique, un peu vite dit, mais joliment résumé : en donnant la parole à des minorités invisibilisées et persécutés ou en exprimant son soutien à des causes diverses (Paul Parking mentionnait plus tôt les gens qui occupaient la Gaîté Lyrique et ont été expulsées ce matin même par la Mairie de Paris, Les Volcans finissent en évoquant le sort de L'International, lieu culturel indispensable à Paris), le collectif propose une démarche bienveillante en quête de solutions, de dialogue et d'espoir. On a beau être dans une cave, on signe pour cet espace de solidarité, d'encouragements et de soutien.

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