Le Klub, deuxième sous-sol. Plafond bas, murs aux pierres apparentes, obscurité. Petit, mais le caveau un lieu incontournable des nuits parisiennes et parfaitement adapté à la soirée qui se profile organisée par le collectif Nuits Noires. L'antre se prête plus facilement aux performances électro d'artistes seuls ou en duo qu'aux groupes de six personnes, chacun avec leur instrument. Et puis, question atmosphère, il n'y a pas besoin d'un grand effort d'imagination pour se plonger dans l'ambiance cyberpunk de la soirée.
SUPERSHOTGUN
Si jamais il y en avait dans le fond qui manquaient d'imagination, SUPERSHOTGUN vient mettre les points sur les i. Avec son look sorti tout droit d'un délire futuriste post-apo et sa barbe généreuse, le bonhomme donne vie à un personnage charismatique qui, d'emblée, nous invite dans sa cration imprégnée de nostalgie décomplexée. Le genre l'exige souvent, on ne déroge pas à la règle : les séries B d'action des années 80 inspirent l'univers et les codes du genre sont respectés. Grosses basses menaçantes, mélodies entraînantes, petits écarts dark electro, on se dandine tout en faisant la bouche pas contente, bref, SUPERSHOTGUN se la joue héritier méchant de CARPENTER BRUT. Le son est propre, varié, riche, ça fonctionne très bien dès les premiers instants et cette basse minimaliste à la John Carpenter. Mais ce qui marque le plus, c'est ce que dégage l'artiste derrière son attirail. Souriant, communicatif, on le voit surveiller son public, s'amuser et réagir sans un mot, tout en gestes, à ce qui se passe et dit dans la salle. On sent son plaisir de partager le moment mais aussi une petite quête d'approbation : ce n'est que son troisième concert. "C'est cool, hein ?" semblent dire ses yeux malicieux, cachés derrière sa barbe touffu et son exo-squelette homemade (là encore, on sent le plaisir du bricolage, de s'amuser, d'essayer). Ouais, coco, c'est cool. Continue de foncer comme ça, d'y aller à fond : la demi-mesure subtile, c'est pour ceux qui n'osent pas. SUPERSHOTGUN ose, et c'est assez jouissif. Laissons-donc traîner un œil du côté de ce qu'il nous réserve pour le futur, ça promet.
NEFAS
Changement d'atmosphère avec NEFAS. Si SUPERSHOTGUN jouait encore la carte de la décontraction rétro-futuriste, là, fini la rigolade. La musique de NEFAS est futuriste-futuriste et l'introduction se fait dans les ténèbres et les grosses nappes écrasantes bien graves. Comme son prédécesseur, l'artiste est apparu récemment et n'a à son actif qu'un EP et une paire de singles. Le set va crescendo et gagne en agressivité. Si l'on devine une inspiration cinématographique, NEFAS fonce vers son objectif : faire transpirer et casser des nuques. Les beats cognent sans répit pendant qu'une épaisse fumée plonge le Klub dans une ambiance cyberpunk, l'intensité grimpante prenant parfois des atours épiques et grandiloquents. NEFAS explique s'inspirer de ses cauchemars et de la paralyise nocturne : on comprend mieux la panique affolée qui rampe derrière les 666 bpm. On apprécie la complémentarité entre les deux concerts que l'on vient de voir : l'un, exubérant et bariolé, l'autre sobre, sombre et on laissera traîner notre deuxième œil du côté de NEFAS à l'avenir.
MACROWAVE
Tête d'affiche de la soirée, auteur d'un album en 2020 et déjà suivi d'un nombre tout à fait respectable d'adeptes, le duo MACROWAVE venait de Strasbourg pour donner son tout premier concert. Nous n'insisterons pas trop sur les quelques âmes égarées qui venaient "découvrir Microwave" dans le public : au risque de décevoir, il fut finalement très peu question d'électro-ménager. Choix conscient ou non, l'orga a été inspirée : les trois concerts étaient tous différents, avec des vraies propositions qui permettent de varier les plaisirs et éviter la saturation. En apportant son dispositif lumineux, MACROWAVE soigne l'immersion, favorisant le travail de l'imagination stimulée par les nappes de synthés. Bon point : une vraie batterie, tout de suite, ça envoie en live et la puissance des rythmiques s'en retrouve décuplée, créant un chouette contraste avec les parties cinématographiques plus atmosphériques. Si SUPERSHOTGUN gagnait au jeu de l'entertainment et NEFAS de la méchanceté, MACROWAVE l'emporte dans les nuances. Bien que le live apporte une nouvelle énergie, les compositions sont plus subtiles et ont parfois un aspect introspectif et onirique qui se prêtait très bien à la pénombre enfumée.