Il s'en est fallu de peu pour que cette date tombe le jour de la fête d'Indépendance américaine : à trois jours prêt, on aurait pu fêter le 4 juillet en compagnie de MINISTRY et 3TEETH. Le hasard aurait été amusant tant les deux groupes cultivent un goût affirmé pour la charge politique plus ou moins fine.
Un an presque jour pour jour après avoir donné un concert plus que convaincant à l'Elysée Montmartre (report), Al Jourgensen et sa troupe étaient donc de retour sur les planches parisiennes. Avant de vous en parler plus longuement, il est important d'insister sur un point : il y a une personne quelque part qui fait extrêmement bien son job en ayant programmé 3TEETH en première partie, un an après qu'on ait eu le droit à SHAÂRGHOT et TREPONEM PAL. Qu'on lui file une augmentation ! Les amateurs de metal industriel allaient avoir leur dose de gros riffs bien gras, de moustaches et de piercings, ce qui devrait largement suffire à leur bonheur.
3TEETH
Lors de son passage l'an dernier à Paris, 3TEETH était bien seul. Les Californiens méritaient mieux que cette soirée vite expédiée sans première partie devant un public clairsemé mais néanmoins heureux. Pour la salle comble, on repassera : jouer en juillet avant un groupe que certains ont déjà vu dix jours plus tôt au Knotfest n'est pas forcément le contexte le plus simple. Pourtant, 3TEETH a ses fans qui ont fait le déplacement. On les reconnaît facilement : ils sont devant et portent des fausses moustaches.
La moustache, c'est le signe distinctif qui caractérise le mieux Alexis Mincolla, chanteur du groupe. Ses biscottos tatoués et sa coupe mulet complètent la panoplie avec la relative élégance moite et velue d'un prof d'EPS échappé des années 80. Sur scène, le groupe nous joue les singles du récent Metawar (chronique) parmi une sélection de titres plus anciens plus surprenante (pas de Nihil, par exemple, mais des Dust et Pit of Fire qui font du bien par où ça passe). On n'a d'ailleurs pas franchement l'impression d'être entré dans une nouvelle ère, les titres du troisième album n'étant pas franchement majoritaires.
La blague de la soirée fut le combat acharné de Mincolla contre les lumières de la Machine : si le groupe a commencé dans les couleurs rouges et les ténèbres qui le caractérisent, son leader a rapidement demandé à ce qu'on coupe les spots. En vain. Mi-amusé, mi-agacé, il demande au public comment on dit "lights" en français et répètent un "no lumière please" qui a peut-être interprété en "more lumière", allez savoir... Il tente même sa requête en Italien. C'est finalement sur Pit of Fire que 3TEETH a droit à l'obscurité totale réclamée par son chanteur. Un verre de vodka arrive sur scène, offert par le public : on a les consolations qu'on mérite.
Le metal industriel très typé 90's de 3TEETH retrouve en live une crasse et une intensité qui a tendance à s'estomper dans les récents efforts studio : tant mieux ! La performance n'en était que plus puissante. Si dans le public certains sont venus spécialement voir les Californiens et se dirigent déjà vers le bar ou le merchandising, la fosse de la Machine est nettement plus dense qu'en début de soirée.
MINISTRY
Après un set au Knotfest dédié uniquement à ses classiques et où MINISTRY n'avait pas été au mieux (jouer en plein soleil, niveau ambiance, ça colle moyen), la bande d'Al Jourgensen était de retour à Paris pour un concert "traditionnel". Si les poulets gonflables à l'effigie de Trump ont disparu depuis l'an dernier, le déroulement du concert est globalement similaire à celui de l'Elysée Montmartre.
MINISTRY, à nouveau, commence en infligeant à son audience le fameux "We will make America great again" du président américain, dont le gracieux portrait est balancé sur l'écran taille XXL en fond de scène. La suite, on la connaît : The Twilight Zone est probablement le meilleur morceau du groupe depuis plus d'une décennie, avec son harmonica (Al a laissé le sien chez lui ce soir) et son empilement de samples psychédéliques. Le rythme est plutôt lent, les têtes dodelinent mais on a rarement connu un public aussi sage à un concert de MINISTRY. C'est avec Wargasm et Antifa que la foule s'enflamme enfin et que la Machine, avec ses lumières tamisées, retrouve des couleurs et une odeur de souffre au son des boucles répétitives, riffs pachydermiques et explosions plus punk du groupe.
Si le bassiste Paul d'Amour a une main dans le plâtre, Al, lui, est en forme. Il n'est peut-être pas aussi flamboyant que l'an dernier, mais semble prendre bien plus de plaisir qu'au Knotfest quelques jours plus tôt. Plus complice, il communique fréquemment avec le public. Un concert de MINISTRY suit une routine immuable : la moitié du set est consacré aux titres récents (AmeriKKKant uniquement, son morceau-titre inclus avec la tentative de Jourgensen de faire sortir des briquets à un public qui n'en a plus l'habitude) et la seconde moitié aux classiques indémodables. "Ça fait 45 minutes qu'on vous fait chier avec Donald Trump, on va maintenant vous jouer des vieux trucs" précise le chanteur avant de se lancer dans une succession de hits (Stigmata, Jesus Built my Hotrod, Just One Fix, N.W.O, Thieves...) avant de conclure sur une reprise des REVOLTING COCKS, No Devotion. AmeriKKKant était un album très réussi, mais c'est surtout pour cette deuxième moitié de show qu'est venu le public.
MINISTRY et 3TEETH ensemble, le même soir, c'était une belle affiche pour les amateurs de metal industriel. Les deux groupes ont offert des prestations solides et généreuses dans la moiteur et les ténèbres de la Machine. Plus intimiste que l'an dernier, le show de MINISTRY retrouvait un goût de saleté et de proximité qui faisait plaisir.