Ministry + Geist @ Essigfabrik - Cologne (DE) - 6 août 2016

Live Report | Ministry + Geist @ Essigfabrik - Cologne (DE) - 6 août 2016

Cécile Hautefeuille 8 août 2016 Cécile Hautefeuille, Pierre Sopor Cécile Hautefeuille

Geist

Un vent de contre-programmation souffle sur l’Essigfabrik de Cologne. MINISTRY joue ce soir. MINISTRY, ce groupe de Metal indus sombre et violent. C’est pourtant les Colognais de GEIST à la voix suave et aux mélodies presque pop/rock qui jouent en première partie. Un choix peu commun, mais qui s’est révélé plus futé qu’il n’y paraît.

GEIST joue sur son profil de gendre parfait avec des mélodies nostalgiques, mais leur musique est en fait aigre-douce. Beaucoup de changements de rythme et de changements de ton. Le chanteur Fahres Rahmun passe beaucoup de temps à grimacer et sortir des sons dont on le penserait incapable. La bête se réveille en live, et le groupe sonne finalement plus hard rock que pop. Peu importe le nombre de spectateurs, GEIST transpire sur scène de la même façon, à l'instar du batteur Aram Khlief qui se défoule sur sa batterie comme si sa vie en dépendait. Certes, nous ne sommes pas encore dans l’atmosphère hardcore de MINISTRY, mais les 30 minutes en compagnie de GEIST ne furent pas de trop pour débuter cette soirée.

Ministry

Un peu comme ce vieux fou que personne n'écoute, cela fait plusieurs années que Al Jourgensen répète qu'il va prendre sa retraite. Il y a eu l'album d'adieu, suivi de ses remixes, d'un album de reprises et d'une tournée d'adieu... Et ça remonte à presque dix ans. Et pourtant, MINISTRY a sorti d'autres albums, fait d'autres tournées d'adieu et Jourgensen a même lancé récemment un nouveau side-project (SURGICAL METH MACHINE). Mais étant donnée sa réputation, certains ont pu craindre de voir leur soirée écourtée par quelque déboire du leader du groupe. On se souvient de cette soirée surréaliste au Bataclan en 2012, où Jourgensen souffrait de « déshydratation » (à en croire le communiqué officiel) et a passé une grosse demi-heure à tituber, se tenant à son pied de micro comme si sa vie en dépendait, beuglant de temps en temps des « Paris mon ami ! » aussi drôles qu’embarrassants à un public médusé. En de rares moments, une étincelle s'allumait dans son regard, alors qu'un refrain semblait lui rappeler vaguement un truc qu'il avait déjà entendu quelque part. La farce dura jusqu'à ce qu'il s'effondre pour de bon et soit évacué. La déshydratation qu'on vous dit ! Passé un certain âge, en été, il faut boire...

Mais il n’en fut rien. MINISTRY s’est présenté comme convenu, à 21h15, sur la scène de l’Essigfabrik, devant une salle presque comble. Il commence déjà à faire chaud à l’intérieur et les places avec vue sont chères. De 7 à 77 ans, les fans de MINISTRY se sont déplacés en nombre, parfois de loin, puisque des néerlandais sont aussi de la partie. Le concert débute sur les premières percussions de Hail to His Majesty tandis que les musiciens montent sur scène. En arrière-plan, Al Jourgensen scande les premiers « I hate all you motherfuckers, peasants » sur une vidéo projetée. Finalement, oncle Al, en chair et en os, fait son entrée, masque à gaz sur le visage et bière à la main. Le masque ne lui sert que les 5 premières secondes, après quoi il le visse sur sa tête puis l’enlève définitivement. La bière, elle, ne va pas rester pleine bien longtemps. On s’attend à le voir se rincer le gosier avec tout le concert, mais Al prend la bouteille en guise de phallus, la secoue énergiquement et balance la sauce sur le public sur fond de « Suck my mother’fuckin dick  / While I spray on the public ». Voici comment on est accueilli chez MINISTRY.

  

Pendant les premiers morceaux, un homme à tout faire suit Jourgensen partout où il se déplace, éponge la bière au sol, replace les micros désaxés et les fils débranchés. Plusieurs gros bras attendent sur les côtés de la scène, « au cas où ». Fait rare à l’Essigfabrik, un pit de sécurité a été installé devant la scène, plutôt très large et confortable, et une équipe de Monsieur Muscles veille au grain. On sent de suite qu’on n’est pas chez mémé. Les spectateurs sont extatiques, heureux de voir un tel mythe de si près, mais plutôt calmes. L’ambiance est chaleureuse, le public survolté, mais pas violent. Il y aurait pourtant de quoi faire, à coup de « I really really wanna break your jaw / Punch in the Face », les lyrics de MINISTRY ne sont pas des plus pacifistes. Mais l’atmosphère reste bon enfant.

  

Côté look, nous sommes bien loin du MINISTRY d’antan. Les trenchcoats noirs à épaulettes et les vestes en cuir ont regagné le placard des souvenirs. Jourgensen se trimbale désormais avec un marcel trop grand d’El Che, double clin d’œil à ses origines et son engagement politique. Changez le disque, et vous vous croirez aisément à un festival de reggae. Le bassiste Jason Christopher joue le rebelle beau gosse qui fume sur scène et fait des doigts, tandis que le guitariste Sin Quirin lance des sourires complices toute la soirée. Oncle Al n’est pas en reste, puisqu’il tend son micro très régulièrement et encourage les spectateurs à se déchaîner le plus possible. Ce n’est néanmoins qu’après le cinquième morceau, Señor Peligro, que Jourgensen se décide enfin à lancer un « Good evening Cologne ! ». Il était temps.

  

Le live prend une autre tournure à partir de N.W.O et Just One Fix. D’abord parce que ce sont les deux grands hits du groupe et qu’ils marquent une période charnière de sa carrière. Tous deux issus de Psalm 69: The Way to Succeed and the Way to Suck Eggs (ou ΚΕΦΑΛΗΞΘ pour les intimes), disque de platine aux US et album le plus vendu du groupe, ils cristallisent toute l’histoire de MINISTRY. D’un côté, New World Order, qui inclue des samples de George Bush père, symbolise le combat politique du groupe, anti-républicain et surtout anti-Bush. De l’autre, Just One Fix résume en trois mots la relation tumultueuse entre MINISTRY et les drogues. C’est avec cet album que MINISTRY atteint les sommets, mais aussi à sa suite que drogue et suicide vont entacher l’avenir du groupe. C’est naturellement ces deux morceaux qui sont ce soir-là à Cologne les plus scandés par le public, tandis que la sécurité se crispe pour ramasser d’éventuels slammeurs ou blessés. Il n’en fut rien.

Ces deux titres marquent aussi le retour d’Al Jourgensen à la guitare, qu’il va garder jusqu’à la fin du concert. Moins de mouvement sur scène donc pour cette deuxième partie de concert, mais un sacré boucan d’enfer. Car MINISTRY c’est avant tout la musique, et on peut dire qu’ils donnent tout et sans fausse note. Il ne faut pas oublier que nous sommes le lendemain de la performance du groupe au Wacken. Les grands-pères du metal indus viennent de jouer, à 1h du matin (donc moins de 24h avant), devant 80 000 personnes. Quelques 1000 personnes dans un hangar moite n’ont pas de quoi éveiller la fougue des artistes. Et pourtant, MINISTRY semble plutôt conquis par le public colognais. La complicité est au rendez-vous et la performance musicale aussi.

  

Après 16 morceaux enflammés, le groupe revient pour un second rappel… plutôt inattendu. Issu du side project d’Al Jourgensen SURGICAL METH MACHINE, Gates of Steel est une reprise de DEVO (1980). Voilà qui nous change totalement de l’univers sombre de MINISTRY. Refrain facile et rythmique dansante, le titre clôture le concert sur une note positive. Le public ovationne une dernière fois le groupe avant de regagner l’air frais de la terrasse de l’Essigfabrik. Pour beaucoup, cela restera l’un des meilleurs concerts de MINISTRY.

SETLIST :
01. Hail to His Majesty
02. Punch in the Face
03. PermaWar
04. Rio Grande Blood
05. Señor Peligro
06. Lies, Lies, Lies
07. Waiting
08. N.W.O
09. Just one Fix
10. The Missing
11. Deity
12. Thieves
13. Stigmata

Rappel:
14. Psalm 69
15. So What
16. Khyber Pass

Bis :
17. Gates of Steel