Of the Wand and the Moon est un projet discret : Kim Larsen affectionne les ambiances minimalistes et se produit assez peu sur scène chez nous. Nous avons alors profité de cette date parisienne concoctée par Garmonbozia pour laisser l'artiste danois nous transporter dans son univers mélancolique, poétique et psychédélique. L'ambiance était au rituel et, pour commencer la soirée sur une secousse, c'est le projet indus / black metal / doom mystique Verset Zero qui ouvrait la soirée... et vu le chaos des transports parisiens ce soir-là, entraînant un retard de l'artiste (finalement, heureusement : ça a aussi laissé le temps au public d'arriver), quelques cris cathartiques en apéritif étaient plus que bienvenue.
VERSET ZERO
Verset Zero s'est rajouté comme première partie de Of The Wand & The Moon au Backstage By The Mill presque au dernier moment, et étant donné sa rareté en live on ne pouvait pas rater ça ! Dès notre arrivée un autel est dressé sur scène drapé d'un tissu noir orné de ses initiales ainsi que de croix blanches. Les fleurs mortes séchées déposées dans un vase en son centre et les crânes d'animaux qui le décorent sont annonciateurs de l'ambiance à suivre.
L'artiste commence sa messe noire industrielle le visage entièrement couvert d'une longue étoffe noire, un livre incantatoire dans une main et un calice pour se désaltérer de l'autre. Son chant désespéré transperce le son incisif de ses machines. C'est comme on l'espérait : brutal, lourd, bruyant et addictif. Les lumières de ce tableau sont assez élaborées pour donner du relief à ce cauchemar et créent un jeu d'ombres et de lumières spectrales hypnotique. Spots frontaux francs et puissants, lumières plus tamisées aux tons plus orangés et menaçants en arrière plan, touches de rouge sanglantes, les contrastes presque agressifs s’enchaînent et forment une harmonie dissonante qui nous plonge entre violences et mysticisme dans son univers cathartique.
Plus le concert avance plus on sent l'artiste à l'aise et transcendé, l'émotion est de plus en plus envahissante et communicative. Il finit par découvrir son visage (tout de même marqué d'un maquillage noir) affligé d'une sensibilité enragée, puis par s'approcher au plus près de nous, quittant la sécurité de son autel comme une dernière mise à nu sous des cris effondrés. Si la scène est petite, la prestance du décor et la virulente énergie de Verset Zero ont pris une place qui semblait immense. C'était beau et touchant, violent et rare, bref vivement le prochain !
OF THE WAND AND THE MOON
Le changement d'ambiance est radical, bien que l'atmosphère reste au recueillement. Kim Larsen prend place sur scène pour passer un baume mélancolique sur les plaies laissées saignantes par la catharsis de Verset Zero. Sobriété et minimalisme caractérisent une performance à l'image de la musique de l'artiste : élégante et discrète. On note cependant que le pied de micro de Larsen est recouvert de fleurs, créant involontairement une continuité entre les deux concerts !
On admet avoir un peu tremblé : et si jamais Of the Wand and the Moon nous gratifiait d'un set consacré à son dernier EP, Behold the Trees ? Est-ce qu'on était capables de maintenir notre attention au cours des longues errances atmosphériques de cet intrigant pas de côté ? On est vite rassurés : Of the Wand and the Moon reste d'un classicisme rassurant en piochant aussi bien dans son récent Your Love Can't Hold This Wreath of Sorrow et son morceau titre à la beauté spectrale que dans ses premiers albums vieux de plus de vingt ans (I Crave For You, Lucifer, Lost in Emptiness).
Les ombres de Death in June, Current93, King Dude ou Leonard Cohen rampent alors qu'Of the Wand and the Moon s'inspire de la nature ou de la mythologie nordique. Bien que seul sur scène avec sa guitare et quelques pédales, Kim Larsen est aidé par quelques bandes afin d'étoffer sa musique des nappes et instruments présents sur les enregistrements studio, ces touches parfois psychédéliques viennent alors briser l'austérité d'un show cordial et sans effusion (l'artiste, poli, trinque avec son public tous les trois morceaux mais, politesse scandinave oblige, on en reste là dans les démonstrations d'affection).
Avec sa voix douce, presque monocorde, Larsen captive un public respectueux qui a joué le jeu du grand écart stylistique proposé par l'affiche pour écouter deux artistes aussi rares que précieux, et capable, chacun dans leur registre, d'évoluer dans des réalités alternatives fascinantes. La classe.