PERSEPHONE n'est pas un groupe à faire des compromis. Depuis plus de quinze ans, il trace sa route, fidèle à son originalité, à son excentricité presque. Il sait se faire rare. Lorsqu'il sort un album, c'est par choix. Lorsqu'il donne une représentation, c'est également un choix délibéré. Pas de tournées grandioses dans lesquelles l'âme du projet se perdrait. Eglises, théâtres, et quelques rares fois sur les planches des festivals, PERSEPHONE égraine sa spiritualité avec justesse et parcimonie.
Mais il fallait un sacré toupet, un aplomb de fer, pour réaliser l'événement qui a eu lieu le 6 avril dernier à Gelsenkirchen. Car le concert de la troupe allemande ne se déroulait pas n'importe où. Une Trauerhalle. Une chambre funéraire. En plein milieu de l'immense cimetière de la vieille ville. Une première, et pour le groupe, et pour le dit cimetière. Aucun autre groupe n'a eu l'honneur et l'autorisation de jouer dans cet endroit sacré avant PERSEPHONE. Seule exception : une chorale qui avait investi les lieux durant une journée portes ouvertes.
Ceci n'est pas une salle de concert et il a fallu réunir de nombreux critères pour pénétrer l'endroit. Heureusement, PERSEPHONE et les gestionnaires du cimetière sont tombés très naturellement d'accord. Ce concert unique ne serait autorisé qu'à 70 entrées payantes, pas une de plus. Il ne serait ni éclairé, ni amplifié. Enfin, il respecterait la charge émotionnelle des âmes que la chambre a abritées, et devrait embrasser une spiritualité certaine.
À l'entrée, le public attend patiemment en chuchotant. Il nous est rappelé de respecter les lieux, de ne pas faire de bruit, et de ranger les téléphones et appareils photo. La consigne est également stricte pour les photographes, qui doivent respecter le jeu des artistes et le confort des spectateurs, rester au fond de la salle et ne déclencher les appareils que lorsque la musique peut couvrir leur bruit.
L'audience s'exécute sans effort. Le show est d'emblée tellement bouleversant, que l'on reste collé au fond de son siège sans broncher. Les trois musiciens, André Wahl, Sue Ferrers et Tim Warweg entrent par la porte du fond et s'installent, tandis que la porte d'entrée s'ouvre et que Sonja Kraushofer fait son entrée, pieds nus, remontant l'allée principale dans le plus grand des silences. La mariée vêtue de noire s'avance vers l'autel avec son traditionnel bouquet de lis blancs qui ne l'a pas quittée depuis le premier album Home.
Le set s'articule autour d'une trame au piano (au clavier plus précisément, seul instrument relié à un haut-parleur), de nappes de violon et de nyckelharpa, et de percussions, des plus classiques aux plus originales. Quant à l'instrument principal, la voix, utilisée par chacun des protagonistes, elle n'a besoin d'aucune amplification, aucune distorsion, aucune reverb, aucun auto-tune. Le son pur. Le talent.
Ceux qui ont déjà eu la chance de pouvoir entendre Sonja Kraushofer sans microphone savent qu'il n'est rien de plus doux, de plus subtil, de plus fracassant, de plus vrai. On prend conscience du monstre de scène et de talent que l'on a en face. Finies les chanteuses de metal nasillardes, balayés les concours de vibrato des sopranos symphoniques. Sonja peut tout faire, dans tous les registres, et désolée messieurs dames, ce bien mieux que tout le monde. Pas besoin d'apparat, de talons hauts, de coiffes tirées, de make-up tutorial d'influenceuses ou de tenues affriolantes. La simplicité, l'authenticité. Il n'y a que cela qui compte. La voix est parfois étouffée, parfois cassée, parfois enveloppée, parfois lâchée. Cette voix unique est un arc en ciel de nuances que nul micro ne peut rendre fidèlement. Lorsque l'on pense avoir tout entendu, quelques notes nous prouvent que nul autre instrument ne peut surpasser la puissance de cette voix et qu'elle pourrait tenir tout un concert avec cette puissance à faire trembler les murs. Mais l'artiste, aussi comédienne de théâtre, sait jouer de toutes les subtilités de sa voix et de son corps. L'espace, tout l'espace lui appartient. Elle sait ce qu'elle fait, où elle va, où se pose son regard. Elle est habitée par son rôle, sans jamais surjouer. Avec de simples petits pas, dans le silence complet, elle parvient à faire rire son audience. Son charisme n'a pas d'égal.
Chaque titre possède sa mise en scène et il faudrait bien plus de pages pour les décrire toutes. L'une d'entre elles reste néanmoins particulièrement émouvante. Coming Home, morceau choisi pour terminer une première fois le spectacle, est une ritournelle piano / voix aux tons mélancoliques. Elle démarre par quelques notes de piano, auxquelles s'ajoute la voix de Sonja Kraushofer, puis de ses acolytes. Ceux-ci chantent de plus en plus fort, tandis qu'à chaque redémarrage, la mélodie au piano perd quelques notes, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un a cappella. Les musiciens se lèvent et rejoignent Sonja, et tous traversent la salle en chantant. Jamais ce titre ne fut plus lourd de sens. Le public reste à l'intérieur tandis que le groupe s'engage à l'extérieur dans le cimetière, telle une veillée funèbre, continue de chanter, jusqu'à ce que leurs voix se fondent avec les profondeurs de la nuit.
The fire from the skies
Reflected by my eyes
The howling of the sea
Waves crushing over me
The trembling of the earth
I felt it since my day of birth
I was naked and alone
But now I´m coming home
Setlist :
01. Oblivion
02. Dreamland of Mine
03. Our Dream
04. Summer Rain
05. Black Widow
06. The Man who swallowed my Soul
07. Waiting
08. Phobia
09. Garden of May
10. Drowning Theme
11. Sweetest Pain
12. The Day you went away
13. Dig a little deeper
14. The River Downfall
15. Coming Home
Rappel 1 :
16. Mean
17. Magic Mirror
18. Reflection
Rappel 2 :
19. La Danse sur la Corde