Ah bah tiens, ça faisait longtemps : quelque chose comme cinq mois se sont écoulés depuis un séisme du côté de Issy-les-Moulineaux (report). Notre corps commençait à ressentir le manque, il était temps que PUNISH YOURSELF rappelle aux Parisiens que oui, les couleurs peuvent faire du bruit. Ça se passait à Ivry-sur Seine et rien que ça, déjà, ce n'était pas très clair : ivres, sur scène, on croyait que ça serait Punish. Punish Your Scène ? Péniche sur Seine ? Allez savoir. Toute cette affaire n'a aucun sens, surtout qu'aucun bateau ne s'était échoué sur la vaste scène du Hangar à notre arrivée. A la place, on pouvait y découvrir IMPARFAIT qui assurait la première partie.
IMPARFAIT
Pour être tout à fait honnête, ça fait bien deux mois qu'une amie me répétait qu'IMPARFAIT ça tuait. Qu'il fallait que j'écoute. Vous les connaissez, ces discussions. C'est comme les discussions sur les séries : chacun dit à l'autre qu'il doit absolument découvrir tel ou tel truc, on prend note, on dit "ok je vais checker ça ce soir". On sait tous comment ça finit. Tant mieux, découvrir IMPARFAIT sur scène (ça aussi, ça sonne comme un nom de bled du Val-de-Marne, Imparfait-sur-Seine, joli pléonasme), c'était vraiment le meilleur moyen d'entrer dans cette soirée.
Il en faut des tripes pour se pointer devant un public qui te connait pas, qui attend tranquillement la tête d'affiche en finissant ses discussions et réussir malgré tout à se mettre la salle dans la poche. D'autant plus que la scène du Hangar peut sembler immense si tu trouves pas tes marques rapidement. Tu parles, les quatre musiciens d'IMPARFAIT ont mis tout le monde d'accord en une poignée de minutes. Il y a la musique, déjà, un mélange efficace de rock survitaminé et de rap, du "rock urbain", qu'ils nous disent. Pour simplifier, on peut dire que le sens du groove et les explosions de rage sur les refrains ont un gros air de RAGE AGAINST THE MACHINE, le tout en français. Ça fonctionne bien, ça envoie, c'est parfait pour l'échauffement.
Et puis il y a l'incroyable charisme de leur chanteuse, Prisca : elle occupe l'espace avec ses danses, ses bonds, elle cavale et rugit avec sa prestance et son énergie folle communicative. Surtout, elle maintient avec le public un échange constant, ne le lâche pas un seul instant, l'incite à bouger, se rapprocher, réagir, gueuler, s'énerver. Personne oserait lui dire non, et puis personne n'en aurait envie. En plus l'orgueil est piqué quand elle lance "on m'a dit que le public de PUNISH YOURSELF savait foutre le feu !".
Tout le monde a pris une belle claque et ceux qui étaient présents se souviendront d'IMPARFAIT dont l'EP Erreur 404 est sorti récemment. La performance du groupe était puissante et percutante. On a désormais hâte d'entendre des nouvelles de la petite bande. Note pour l'avenir : écouter les conseils des amis.
Setlist :
01. Supersayan
02. Émeute
03. Mégalomaniaque
04. Pourquoi
05. Incognito
06. Hasta Luego
07. Porte Close
08. Chrome
09. Discorde
10. Bang Bang
PUNISH YOURSELF
C'est marrant la vie. On déménage, on change de boulot, de conjoint, de conjointe, on perd ses cheveux, on se laisse pousser les ongles. Et puis il y a des constantes, des choses sur lesquelles on peut compter, avec lesquelles on grandit et qui, au bout de cinq, dix, quinze, vingt ans sont toujours là et ne déçoivent jamais. C'est le cas de PUNISH YOURSELF, c'est d'ailleurs ce qui les différencie de ce lâcheur de Mufasa (si tu nous lis, salaud, va bien manger tes morts, quelle idée d'abandonner ton fils comme ça, comment s'en remettre ?). Ce n'est pas uniquement la longévité du groupe qui crée ça, mais aussi les concerts fréquents, ces espèces de rituels où l'on retrouve les copains, la famille, et dont on ne ressort jamais déçu et toujours claqué. Allez savoir comment une vie peut avoir un groupe comme PUNISH YOURSELF en point de repère, mais c'est comme ça. On en discutait avant le concert : il y avait une copine qui avait le dos bloqué, qui a bien failli ne pas venir, alors faudra la comprendre : ce soir elle restera calmement dans le fond. Et puis y'a celui qui sort du boulot après une journée de douze heures et qui est déjà rincé, qui t'explique qu'il va rester en retrait avec une bière, faut pas pousser. C'est moche de vieillir, hein. Oui. Bah la première a fini sur scène et le deuxième a été le premier (et seul) slam de soirée. On n'y peut rien, c'est dans l'ADN.
Bon, y'a aussi le copain qui se pointe peinturluré et qui lance un "putain, ce soir j'ai envie de foutre le bordel !". D'ailleurs quand le show commence sur Backlash, il est le seul à semer mort et désolation dans une fosse qui a du mal à s'enflammer. vx69 le souligne à plusieurs reprises, "on a connu plus fou comme ambiance". Il y a des soirs comme ça. Peut-être est-ce la ville : dépasser le périph, pour un Parisien, c'est compliqué (même si à Issy, c'était le chaos). Peut-être est-ce la salle. Le Hangar est vaste et ce n'était pas plein. Forcément, quand on n'est pas les uns sur les autres et que tout le monde s'espace, il ne suffit pas qu'un type se gratte le nez pour déclencher un pogo. Peut-être est-ce une forme d'habitude qui s'est installée : ce Pig Data Tour a commencé il y a un an et demi et on a déjà eu l'occasion de revoir le groupe un paquet de fois. Pourquoi le Parisien moyen prendrait le risque de mettre à jour ses vaccins pour aller jusqu'à Ivry alors que PUNISH YOURSELF revient jouer à Paris dans deux mois ? Après tout, il risquerait de passer une soirée intéressante.
En tout cas, ce n'est certainement pas la faute du groupe si ça démarre pépère. Avec la même énergie, la même générosité et la même complicité que d'habitude, ils ont tout donné pour enfin réveiller la foule, avec un certain succès. Et il y avait des surprises, oui, oui. La première, c'est la setlist qui a pas mal été chamboulée depuis les dernières fois : fini l'ouverture sur Spin the Pig, mais surtout, on note les retours de Night Club (bobo !), Companeros de la Santa Muerte (yes !) et par dessus tout Enter Me Now histoire de souffler un coup avant le rappel. Joie ! Enter Me Now sur album est déjà un des meilleurs morceaux du groupe mais sa version live remaniée est une tuerie qui nous avait tant manqué lors des dates précédentes. Désolé Worms, on t'adore, mais chacun son tour. Du côté du groupe, Klodia est revenue après l'intervalle assurée par Hikiko Mori de BAD TRIPES, vx confirme son instabilité capillaire en masquant le départ de ses dreads sous une improbable casquette qui laissait dépasser quelques cheveux attachés en un discutable début de queue de cheval mais surtout le groupe compte (encore) un nouveau membre. Ils sont désormais sept sur scène, avec un type dans le fond qui joue, lui aussi, de la meuleuse pour faire des étincelles. Et qui tape avec des chaines sur ses machines. Et qui joue même littéralement de la perceuse. De la vraie perceuse, ÇA, c'est indus. Les couleurs sont superbes, le vert adopté par toute la troupe sort super bien sous les lumières noires.
Le charme finit par opérer : comment résister à Rock'n'Roll Machine, Lo-Cust, Shiva Only is God et compagnie ? Si vous ne trouvez pas la réponse, c'est qu'il n'y en a pas. Très vite, on se retrouve à suer et brailler des choses idiotes : vous aviez déjà remarqué que "What do you see / now the killer is free", sur See Ya Later Alligator ressemblait un peu à "va nous faire un cassoulet" dit super vite et très en colère ? Ne prenez pas cette moue septique : le groupe n'est-il pas "born Toulouse" ? Même après quinze ans, on découvre encore de quoi s'émerveiller. Dans la liste des enseignements de la soirée, il y en a un qui devrait être imprimé avec des proverbes chinois : si tu prévois un tee-shirt de rechange pour après le concert, ne laisse pas traîner ton sac là où tout le monde va renverser sa bière.
On en a encore pris plein les yeux, plein les oreilles et plein le dos. Si y'avait un Raoul dans la salle, on n'a pas eu la chance de faire sa connaissance et ça n'a pas loupé : le réveil fut pénible. Mais tous les réveils pénibles du monde, tous les retours dans le froid avec le dernier RER et le pantalon trempé, tous les bleus du monde, toutes les serviettes de bain dégueulassées avec des restes de peinture ne peuvent faire oublier qu'on a eu la chance de revoir PUNISH YOURSELF. Même si c'est la trentième fois, même si des soirées entrent moins dans la légende que d'autres, Punish c'est comme la vie : c'est unique, faut en profiter.
Setlist :
01. Backlash
02. Primitive
03. See Ya Later Alligator
04. Rock'n'Roll Machine
05. Companeros de la Santa Muerte
06. Lo-cust
07. Blacksunwhitebones
08. Night Club
09. Sexy
10. Spin the Pig
11. Shiva Only is God
12. Dies Irae
13. Zmeya
14. This is me Body, This is my Gasoline
15. Enter me New
16. CNN War
17. Suck my TV