On avait laissé SHAÂRGHOT il y a quelques mois, triomphant au Trabendo avec un show toujours plus abouti. On les retrouve au Réacteur, une de ces "grandes petites" salles de banlieue parisienne qui, malgré des dimensions modestes, voit passer une programmation de qualité et fêtait ce soir-là son premier concert sans aucun protocole sanitaire particulier depuis... eh bien, vous savez quoi. Le groupe proposait à son public un concert surprise plus intimiste, probablement le dernier dans la région avant d'avoir de nouvelles choses à nous faire entendre. Comme d'habitude avec SHAÂRGHOT, il ne fallait pas arriver en retard : les premières parties sont toujours de qualité.
DIVINE SHADE
C'est avec un réel plaisir que l'on retrouve DIVINE SHADE sur scène : les Lyonnais sont rares dans la région mais leur univers atypique mis en valeur récemment par une trilogie de clips et leur rock industriel mélancolique méritent que l'on s'y penche. Si vous ne nous croyez pas, vous pouvez faire confiance à un jeune artiste prometteur du nom de Gary Numan qui les choisissait récemment pour assurer les premières parties de sa tournée au Royaume-Uni.
Sur scène, impossible de ne pas penser à NINE INCH NAILS : le jeu de lumière, la fumée, le son de guitare et même les postures du chanteur Rémy Thonnerieux rappellent les travaux de Reznor. C'est accrocheur, lourd, poétique et rentre-dedans, on comprend aussi pourquoi Chris Vrenna les remixait l'an dernier, il devait se sentir à l'aise. Le live rend en tout cas justice aux compositions du groupes, entre subtiles nuances dans les atmosphères et électronique frontale, leur puissance y est décuplée grâce au cœur qu'y mettent les musiciens. On s'y dandine, mais en boudant, bien sûr. Tout cela avait sacrément fière allure et on espère que les dates vont s'enchaîner pour DIVINE SHADE, qui non seulement le mérite mais est taillé pour.
Setlist :
01. Hate & Oblivion
02. Ruines et Cendres
03. From the Sky
04. Stars
05. Eternel
06. Love of Angels
07. Ashes
08. Get Away
09. Black Birds Return
MOAAN EXIS
On a beau avoir survécu plusieurs fois à l'assaut de MOAAN EXIS, on est toujours surpris par la déflagration. La techno industrielle du duo formé par Mathieu Caudron et Xavier Guionie continue de dépasser les limites acceptables de la violence et de l'intensité. L'énergie est sauvage et indomptable. La transe tribale des débuts a été remplacée petit à petit par l'agressivité et la rage viscérale, Caudron donne l'impression d'un fauve en cage à l'étroit sur la scène du Réacteur. Il est déchaîné et va chercher son public à force d'invective et de bains de foule. Quand il se dresse dans les ténèbres, ses muscles luisant de sueur, le logo du réacteur brillant derrière lui semble le désigner : El Reactor c'est lui, là, ce fou furieux à la gueule peinturlurée qui cogne sur des trucs en hurlant sur scène.
Si la musique de MOAAN EXIS n'était qu'une agression brutale sous les stroboscopes, on n'y verrait rien de plus qu'un défouloir bourrin, jouissif certes mais vite oubliable. Mais le projet a des racines plus atmosphériques, expérimentales et même cinématographiques qui s'expriment toujours, certes discrètement, mais viennent apporter une profondeur aux morceaux et leur conférer parfois une aura quasi mystique. C'est quand MOAAN EXIS prend le temps de ralentir et que le micro se coupe pour rendre aux pistes plus instrumentales leur espace que toute la profondeur et la richesse du projet nous frappe finalement avec plus de puissance que le rouleau compresseur sonore qui vient de nous ratatiner. Le mélange des deux, comme toujours, fait des étincelles.
Setlist :
01. Witness
02? Blind
03. Overwatching Chaos
04. Alone Together
05. Momentum
05. Street Rage
06. Postmodern Therapy
07. Necessary Violence
08. Coercion
09. Divine Automation
10. Divine Automation remix
SHAÂRGHOT
C'est rigolo : figure-vous que du côté des QAnon, on était persuadé que le 24 septembre serait le début de la fin du monde, d'une manière ou d'une autre (tout cela est authentique et implique un épisode des Simpsons, si, si). On regrette presque qu'ils n'aient pas eu raison, pour une fois : un concert de SHAÂRGHOT est une apocalypse bien plus cool qu'une pénurie de PQ.
Depuis le temps et à force de dates, on pourrait croire qu'aller voir SHAÂRGHOT est devenu une sorte de routine, un truc familier, habituel. On pourrait croire qu'on pourrait même s'habituer, voire se lasser. Ce serait salement se tromper. Après le show dément donné six mois plus tôt au Trabendo, on pouvait aussi s'inquiéter que SHAÂRGHOT soit diminué par des conditions techniques plus modestes, un espace plus réduit. Effectivement, le spectacle est légèrement amputé... Mais soyons sérieux deux minutes : des amputations de spectacle qui se finissent avec une guitare lance-flammes, on en veut bien tous les jours ! Et pourtant, après avoir suivi l'ascension du groupe de metal industriel parisien, après les avoir vus remplir des salles de plus en plus grandes et réunir un public toujours plus vaste, cette date arrive finalement comme un bol d'air frais (au sens figuré : blindé, le Réacteur est étouffant et il valait mieux ne pas être trop claustro). Retrouver plus de proximité, plus de complicité dans une fosse remplies de visages familiers, c'était finalement ce qui permettait à cette soirée de se démarquer et de compenser les éventuelles limitations matérielles et techniques.
Enfin. Y'a ça, oui, c'est sûr : les copains c'est sympa, la bonne humeur, les fleu-fleurs, les odeurs, tout ça. Mais y'a aussi et surtout le chaos, l'énergie folle du groupe, son envie de tout casser et de partager tout ça avec son public. Cette famille de freaks s’agrandit avec l'arrivée officielle de Paul Prevel (aka KLOAHK, excellent projet de rock industriel, foncez écouter), déjà présent au Trabendo sous une mystérieuse capuche. Dans l'univers de SHAÂRGHOT, les musiciens sont des personnages avec une histoire, le sien a pour nom B-28. La complicité et le plaisir à jouer des musiciens est évident, leur générosité aussi. Tous ces sourires sur leurs visages qui viennent casser le noir de la peinture, c'en serait presque mignon. SHAÂRGHOT disait que certains titres ne seraient plus joués avant un moment : il est temps pour le groupe d'entamer une nouvelle ère, introduite par Let Me Out et dont on devrait bientôt avoir plus de nouvelles. Alors en attendant, on pouvait encore brailler comme des idiots des "moche, t'es moche !", l’embarrassante hallucination auditive de "Now Die", souhaiter tout le mal du monde aux traders ou finir sur l'apocalyptique et monumentale Shadows... Et rentrer chez nous puants, boiteux, sales, trempés, couverts de bleus... mais heureux.
Finalement, c'est ça le but non avoué de la fin du monde offerte par SHAÂRGHOT : rendre les gens heureux. On en a connu des hippies, mais des aussi méchants, c'est rare !
Setlist :
01. Intro (Miss Me)
02. Black Wave
03. Now Die
04. Let Me Out
05. Kill Your God
06. Wake Up
07. Mad Party
08. Bang Bang
09. Uman Iz Jaws
10. Traders Must Die
11. KMB
12. Z//B
13. Break your Body
14. AZERTY
15. Shadows