En début d'année, SHAÂRGHOT sortait son deuxième album, The Advent of Shadows, et fêtait ça à Petit Bain lors d'une soirée dantesque où le groupe de metal industriel parisien présentait pour la première fois son nouveau show. Quelques mois plus tard (et notamment un passage au Hellfest devant plus de 10000 personnes), la bande mazoutée la plus bruyante de ce coin de la galaxie remplissait à nouveau la célèbre péniche, pleine à craquer. En première partie, un set de SONIC AREA plongeait progressivement les lieux dans l'ambiance de la soirée.
SONIC AREA
Le génie de SONIC AREA n'est plus à démontrer : l'alchimie entre sound-design, nappes atmosphériques et mélodies est subtil et parfaitement maîtrisée par Arco Trauma dont la musique, subtile, sensible et élégante nous convie dans son univers sombre, tantôt futuriste, spatial, introspectif, mélancolique ou mystique. On remarque cependant que son masque réfléchissant a laissé sa place à celui sous lequel il se cache avec LES TAMBOURS DU BRONX, entre test de Rorschach et luchador.
Les performances live d'un artiste derrière ses machines sont délicates à appréhender pour un public peu habitué, et pourtant dans le cas de SONIC AREA la formule fonctionne grâce au personnage qui prend vie sur scène. Anonymat et gestuelle reptilienne créent un mystère autour de cette silhouette longiligne et presque fantomatique dont seuls quelques points (gants et masques) se détachent de l'obscurité ambiante grâce à un peu de lumière noire. Le set dure une bonne heure et permet de progressivement se couper du monde extérieur et de son ennuyeuse réalité pour se faire happer par ce concert en fond de cale aux accents cyberpunk et cinématographiques. Une immersion que même un fugace message d'erreur concernant un problème de plugin java ou autre charabia du même ordre s'affichant à l'écran ne peut briser. C'était très beau, bravo à l'artiste et merci pour cette entrée en matière parfaite.
Setlist :
01. Pale Blue Dot
02. Neon Tunnel Drive
03. My Stellar Boat
04. Dark Secret Night
05. The Path of Resilience
06. Chasing Horizons
07. It's About Time
08. The Soul of a Robot
09. Dancing with Clouds
10. Talking with Birds
11. Said and Done (Nils Frahm remix)
SHAÂRGHOT
En plus d'être un projet fascinant, SONIC AREA a l'avantage d'être facile à gérer niveau logistique et de simplifier le changement de plateau : le dispositif live de SHAÂRGHOT n'est pas spécialement léger. Entre les pieds de micro customisés des membres (Clem, la bassiste, peut d'ailleurs faire tenir sa bière sur le sien, quelle classe !), la batterie surélevée, les panneaux de déco et les accessoires, l'énergie déployée par le groupe pour donner vie à son univers force toujours autant le respect.
Le déroulement du concert, lui, est identique à celui de février : la setlist est la même, avec les titres plus récents qui apportent une densité nouvelle au show mais aussi quelques respirations, et les gadgets habituels (la guitare de Bruno Klose qui crache des étincelles, la muselière arachnoïde, les bidons qui volent, les mantes religieuses sur Z//B, etc...). Avec un concert plus long qu'au Hellfest, SHAÂRGHOT a le temps de soigner la mise en scène avec intro et entracte et de permettre à son univers science-fictionnel de prendre vie sur scène de manière tangible.
Le metal industriel déjanté du groupe, lui, fédère un large public en piochant également dans l'electro dark et le punk pour proposer une musique brutale, festive et souvent pleine d'un humour très noir, forcément. Une des évolutions flagrantes avec SHAÂRGHOT s'observe dans la foule: il y avait beaucoup de nouvelles têtes ce soir-là, preuve de la popularité grandissante d'une petite bête qui, il y a quatre ans presque jour pour jour, se produisait encore dans un obscur bar paumé vers Meaux devant une trentaine de personnes. Aujourd'hui, on commence à être à l'étroit à Petit Bain. Il nous faudrait un plus gros bateau, comme disait l'autre. Nouvelle tête encore, mais sur scène cette fois, avec un nouveau Mr Scarskin, aux apparitions plus rares que l'ancien. À moins que l'épaisse fumée et les ténèbres ne l'aient dissimulé... Il faut dire qu'on n'y voyait pas toujours grand chose, certains morceaux se déroulant dans une purée de pois des plus épaisse. Ce n'est pas plus mal, les corps dans la fosse se transformait ainsi en une masse informe contre laquelle il faisait bon se jeter. Il y a des sonorités qui s'emparent de votre inconscient violemment pour immédiatement conditionner votre être, vous savez, comme par exemple le jingle SNCF qui pue l'attente, les bagages à trimbaler et l'odeur rance d'un train bondé. La mélodie de Uman iz Jaws, elle, est une incitation au carnage d'une indécente efficacité.
Le concert était jouissif, évidemment : il y a ces grosses basses bien grasses mais aussi ce son puissant et crasseux de guitare et ce chant qui vient nous racler le fond des tripes. Il y a la complicité entre le groupe et son public, trop heureux de pouvoir se défouler.
Au bout d'une heure et demi, SHAÂRGHOT a beau être très désolé que nous soyons faits pour souffrir, pour citer des poètes, il est temps de mettre les voiles. Ou l'inverse : le retour à la terre ferme se fait d'un pied hésitant. Le sol a tangué pendant un moment, et c'est en boitant que l'on s'extirpe de la salle. C'était bien trop cool.
Setlist :
01. Miss Me
02. Black Wave
03. Now Die
04. Uman iz Jaws
05. Mad Party
06. Bang Bang
07. KmB
08. Wake Up
09. No Solution
10. Traders Must Die
11. Regrets
12. Z//B
13. Doom's Day
14. Kill Your God
15. The Way
16. Shadows
17. Break Your Body
18. AZERTY