Ces derniers temps, SIERRA connaît une ascension aussi fulgurante que méritée : son travail se retrouve certes dans les playlists de nombreux DJs internationaux de la scène goth / indus (mais pas que), mais aussi dans le monde de la pub ou du jeu vidéo. Avec son premier album, Story of Anger (chronique), la jeune artiste avait non seulement confirmé que nos attentes étaient justifiées mais avait aussi pris quelques risques, bousculant ses habitudes. Il y a un peu plus d'un an, elle accompagnait Carpenter Brut en tournée et visiblement, retourner à elle seule des Zéniths n'était pas assez de pression : voilà qu'elle se met désormais à chanter ! Son passage à Paris, dans un Trabendo complet, était l'occasion d'aller juger de cette récente évolution le temps d'une soirée organisée par Le Périscope.
Birrd
Mais avant, il y avait Birrd. On ne va pas vous mentir : l'écart entre nos confortables zones d'ombre et l'univers du musicien était un peu trop vaste pour qu'on le traverse, malgré toute la curiosité que l'on veut bien y mettre. Peut-être nous aurait-il fallu une paire d'ailes pour franchir le gouffre, justement, mais n'allons pas non plus l'affliger de noms d'oiseaux : Birrd a fait le job avec un certain enthousiasme, dans la fumée et la pénombre, et ne manquait pas d'air (il en a même deux dans son nom). Son approche de l'électronique était juste bien trop solaire, sage et gentille pour que l'on y trouve des points d'accroche. On n'a pas spécialement joué au jeu des clichés, mais SIERRA attirant un public hétéroclite, des amateurs de techno aux métalleux en passant par quelques goths, on ne serait pas surpris d'apprendre que ceux qui ont le plus accroché au set de Birrd n'étaient pas ceux aux cheveux les plus sales, aux barbes les plus fournies ou aux mines les plus tristes mais étaient plutôt du genre à profiter de la vie en buvant des mojitos. Bref, sans rancune, un type seul chauffe une salle, voilà, un job ingrat dont il s'est tiré sans déshonneur... Mais en bons profanes un peu perdus face à cette électronique lisse qui ne fait pas peur ni mal, on n'en retient pas grand chose.
SIERRA
Ceux qui ont déjà vu SIERRA retrouvent la configuration de son attirail sur scène qui la positionne face au public, comme écartelée entre ses différentes machines, éclairée par un jeu de lumières bien à elle qui pose un univers froid et futuriste. Avec ce dispositif, SIERRA a de la gueule partout, quelle que soit la taille de la scène, de l'immense Zénith aux configurations moins immense comme le Point Éphémère ou ce soir le Trabendo. Avec sa musique facile à aimer, universelle (des racines EBM pour l'intensité physique mais modernisée par les influences cyberpunk et darksynth), SIERRA fait mouche auprès d'un public éclectique : c'est efficace, accrocheur et suffisamment riche et varié pour maintenir notre intérêt sur la durée.
Au cours de son set, on sent tout le soin qu'elle a apporté au live. Dans un genre souvent froid, SIERRA a travaillé sa présence : ne comptez pas sur elle pour rester planquée derrière un synthé (et éventuellement une paire de lunettes noires), se contentant de lever le bras de temps en temps. Annelise Morel a composé son personnage et se donne un peu d'étoffe avec sa veste puis se démène, cogne avec rage... et, c'est un peu la nouveauté, lâche parfois tout ça pour s'avancer au bord de la scène, là, sans rien de plus que sa baguette en main, comme désarmée face à son audience, le temps d'assurer quelques lignes de chant. Quand elle se positionne ainsi seule face à la salle pleine, l'éclairage apporte à ces moments une force iconique et se mélangent alors le courage et la vulnérabilité qui déjà irriguaient Story of Anger.
On savait quelle intensité sa musique atteint en live, la voix y apporte une touche d'émotions humaines bienvenue, comme des moments de respiration dans un set qui associe les "classiques" (Gone, Unbroken, See Me Now...) aux nouveautés (Wait and See, Power, Never Right ou encore Power et ses accents pop plus doux et mélancoliques). Toutes les indispensables sont là et s'enchaînent avec énergie. On ne regrette peut-être que l'absence des excellentes collaborations avec HEALTH mais on se doute que, dans sa volonté d'offrir un rendu live à sa musique, SIERRA n'ait pas souhaité se contenter d'une présence fantoche de Jake Duzsik sur bande.
Vers la fin du set, enfin, la musicienne prend le temps de souffler et de s'adresser à son public avec émotion mais aussi une simplicité et un enthousiasme touchant. Elle ne nous voit pas à cause des spots et de la fumée, mais elle remercie longuement son audience. On la sent sincère et on a même la curieuse impression que cette date en tête d'affiche face à un Trabendo blindé la chamboulait plus que celle au Zénith. Le résultat est le même : le public est conquis. SIERRA, ça tabasse toujours plus fort.