Skynd + Knife Bride @ Le Trabendo - Paris (75) - 24 novembre 2023

Live Report | Skynd + Knife Bride @ Le Trabendo - Paris (75) - 24 novembre 2023

Pierre Sopor 25 novembre 2023 Pierre Sopor

On ne sait pas si dire que les choses s'accélèrent du côté de Skynd est vraiment pertinent : le duo n'a jamais fonctionné comme un "petit" projet confidentiel, faisant immédiatement preuve de beaucoup d'ambition avec un business-plan rôdé (et un featuring avec Jonathan Davis, pas mal pour attirer l'attention en début de carrière). En un peu plus de cinq ans, Skynd n'a pas sorti le moindre album mais a proposé pas loin d'une quinzaine de singles, tous accompagnés d'un clip. Chaque morceau raconte une histoire sinistre, inspirée de la réalité : tueurs en série, faits divers sordides, sectes... Skynd explore les "recoins les plus sombres de l'âme humaine" et le fait en accord avec les pratiques de l'époque, en offrant régulièrement à ses adeptes de quoi updater leurs playlists, donnant à chaque morceau un parfum événementiel. Le résultat ne s'est pas fait attendre : un deal avec Live Nation, un passage remarqué au Hellfest l'été dernier qui a permis à un public plus large de les découvrir et, dans la foulée, une tournée avec plusieurs dates françaises dont, déjà, un Trabendo qui n'était certes pas complet mais loin d'être vide. Pendant que les fans de Skynd font la queue au merch pour mettre la main sur la poupée officielle, Knife Bride s'installe sur scène.

KNIFE BRIDE

Knife Bride est un tout jeune groupe originaire de Brighton. Eux non plus n'ont pas encore sorti le moindre album mais ont signé quelques morceaux depuis leur apparition en 2022 sur nos radars. Si en studio, leur metalcore aux touches aussi bien industrielles que pop dégage peut-être un peu trop d'ondes solaires pour nos âmes brisées et chagrines, en live ça fonctionne tout de suite bien mieux, en grande partie grâce à l'énergie et la bonne humeur que la petite bande y met.

On se laisse par exemple facilement embarquer par les explosions de rage de Sacrifice / Surrender ou le décalage qui se crée dans ce mélange parfois un peu foutraque d'humeurs et de genres. Knife Bride, modestement, fait le job et crée une petite surprise : pour chauffer une salle, c'est très efficace. Dans leurs structures fourre-tout qui partent dans tous les sens, les morceaux ont leur petit grain de folie séduisant, mélangeant easy-listening et frénésie (il est difficile de s'extirper FANG DUMMY des tympans, une fois qu'elle s'y est planquée). Les associer à Skynd est un choix malin : les deux partagent un goût pour les accents pops et accessibles associés aux univers plus sombres, mais surtout Knife Bride apporte une petite touche de spontanéité rafraichissante et viscérale avant le show millimétré de Skynd. Si l'on accepte de se dérider pour se laisser cueillir par la surprise, eh bien il faut bien avouer que Knife Bride, c'était très fun.

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SKYND

Skynd était attendu : le projet d'origine australienne a son lot d’aficionados impatients et même son fan club officiel, le Skyndicate. Le duo devient sur scène un trio, avec l'ajout d'un batteur. A l'image d'une carrière menée sans faux pas, le show de Skynd ne laisse pas la place aux improvisations, ni aux couacs. Tout y est savamment calculé : le personnage de Skynd, de son vrai nom Marina Ortega, attire à elle seule l'attention pendant que le mystérieux Father et le batteur disparaissent dans l'ombre, cachés derrière leurs masques. Le show repose alors sur les épaules de la chanteuse, à la fois narratrice sinistre, troll menaçant et diva scintillante. Sa gestuelle théâtrale accompagne les histoires macabres qu'elle vient nous raconter, maintenant une certaine distance avec le public histoire de rester dans le personnage.

En studio, Skynd est saturé d'effets. En live, on se doutait bien que leur mélange de pop sombre et de rock industriel ne laisserait pas énormément de place aux imperfections. Il n'y en a aucune. Ce que l'on n'imaginait pas forcément, c'est que le rendu sonore est finalement plus personnel. Il y a certes la puissance supplémentaire apportée par la batterie, mais surtout le chant de Skynd : quand elle n'est pas aidée par des bandes pré-enregistrées, sa voix privée de filtres se révèle puissante, chaude et finalement bien plus chargée d'émotions que sur les enregistrements studio.

Cependant, on se dit que tout cela a encore besoin de mûrir un peu. Tenir un show entier sur une performance quasi solo est un exercice délicat, malgré le charisme de la chanteuse, et l'enchaînement de morceaux pensés comme des singles perd en efficacité. Et puis, l'impression encore une fois que tout a été prévu, pensé, mesuré, nuit à l'immersion : Skynd reste peut-être un peu trop lisse pour son univers glauque, trop sage, un peu trop dans la distance et la retenue. Si les fans sont heureux, surtout qu'ils ont eu droit à deux titres inédits (Marshall Applewhite et Aileen Wuornos, qui seront donc probablement les prochaines histoires racontées par le groupe), on a aussi le droit de penser que le show n'échappe pas à quelques répétitions.

Cela n'empêche pas à certains titres de se détacher, comme Columbine et son énergie rageuse, Elisa Lam et son ambiance cauchemardesque, Michelle Carter et ses injonctions flippantes ou Gary Heidnik, en fin de set, dont la mélancolie sinistre offre une conclusion élégante et presque poétique à la performance. On imagine alors ce que Skynd pourrait devenir en accentuant sa mise en scène, en appuyant l'aspect théâtral, en ayant un show lumière plus varié... Le talent est là, le concept aussi. Skynd a tous les outils et tout le potentiel pour proposer plus que cet effet waouh qui finit par s'amenuiser avec la durée. On a hâte de voir ça !

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