Drôle d'année pour TAGADA JONES : d'un côté, il y a la chance que peu de groupes ont de faire une belle tournée, pleine de dates sold-out, et d'enfin avoir le bonheur de présenter son dernier album À Feu et à Sang sur scène, et de l'autre, bien sûr, la polémique autour de Rage Tour qui a sérieusement écorné l'image de la scène punk et metal en France et qui a amené le tourneur à se remettre en question et prendre de nombreuses mesures qui, on l'espère, seront bénéfiques et constructives. Ce soir là, le quatuor Rennais donnait le premier des deux concerts prévus dans ce magnifique Trianon, et avait amené PUNISH YOURSELF dans ses valises (attention, ça tâche les chemises, il paraît) : il y a des affiches, comme ça, qui cognent fort avant même qu'on soit dans la salle.
PUNISH YOURSELF
Exemple de discussion par temps de covid : "ça va le confinement ? - Franchement, ouais, ça m'arrange de voir personne, mais quand même, les concerts ça manque. - Ouais, carrément, c'est quoi le groupe que t'aimerais revoir en premier quand on pourra ? - Hmmm, un bon PUNISH qui remet bien les idées en place, je crois". Du bruit. Des couleurs. Du contact humain comme on l'aime : sans trop de discussion, mais avec des cris, du mouvement, et un bonheur partagé.
Du côté de PUNISH YOURSELF, les choses bougent, encore et toujours : depuis 2019, le batteur a changé. D'ailleurs, ces dernières années, chaque tournée s'accompagnent de nouvelles têtes (si vous ne vous en êtes pas lassés et souhaitez insérer une blague sur le nouveau chanteur, plus petit, plus carré, c'est le moment). Un album est en gestation, mais on n'en entendra pas encore la moindre note. La setlist, elle, ré-invite quelques classiques indémodables. Il faudrait vérifier nos archives, mais avoir droit à CNN War, I Like It, Holy Trinh Thi ou encore Gun le même soir, sans pause tisane, ça décoince quelques tuyaux rouillés.
Alors forcément, le Trianon, ça nous change. Mazette, que la scène est grande. C'est très beau, très classe : au Trianon, on garde son pantalon, comme dit le proverbe. Mais du coup, ça fait tout drôle de les voir PUNISH YOURSELF si loin, là-haut sur cette grande scène derrière les barrières. Ils ont mis de belles vestes noires pour l'occasion : au Trianon, il faut faire belle impression. Sans pyrotechnie, le show y perd un peu, mais c'est le jeu, et le plaisir des retrouvailles compense largement. L'envie, en tout cas, y est et le set est généreux, frétillant, gouleyant, avec juste ce qu'il faut pour reprendre son souffle pendant Sexy et Enter Me Now. Certains morceaux gagnent une espèce de lourdeur nouvelle : les guitares d'Holy Trinh Thi ont-elles toujours eu cet impact ? Parce que ça rend bien ! Comment ça, dans l'ancien temps, quand nous étions jeunes et fous, on s'en foutait : on n'allait pas voir PUNISH pour écouter la musique ? Admettons. Sauf que là, c'était le Trianon. Et attention, au Trianon, faut pas faire les cons.
Revoir PUNISH YOURSELF, ça faisait chaud au cœur, ça faisait du bien, ça nous faisait réaliser à quel point tout cela nous avait manqué (même si il y a là une grande part de psychologique: après tout, deux ans, c'est un écart tout à fait acceptable entre deux tournées). Mais le lendemain est, forcément, plus douloureux : les revoir, ça donne surtout super envie d'y retourner, là, pour de vrai, en tête d'affiche, avec du feu, de la sueur, un peu de sang même pour le folklore, de la proximité, de la promiscuité où on se refile des germes et où les corps glissent dans des flaques vaguement collantes d'on ne sait pas trop quoi. Roh, c'était super chouette, alors vivement la prochaine !
Setlist :
Dies Irae
CNN War
Rock'n'Roll Machine
I like it
Spin the Pig
Mothra Lady
This is my Body this is my Gasoline
Sexy
Gun
Holy Trinh Thi
Primitive
Blacksunwhitebones
Enter Me Now
Nightclub
TAGADA JONES
Depuis le temps que TAGADA JONES squatte les sommets de la scène punk française et truste l'attention, on aurait été étonné de voir un public tiède. Aucun risque, l'ambiance est électrique, même si le concert n'est pas tout à fait complet. Quand le groupe arrive et envoie le morceau-titre de son dernier album, on peut effectivement voir le feu. Le sang, lui, attendra : la bienveillance est de mise : sur scène, on sourit, les regards dégagent plus de tendresse que de rage, le plaisir d'être là et de partager est à nouveau palpable.
Le mélange de punk et de metal de TAGADA JONES a tout ce qu'il faut pour emporter immédiatement l'adhésion de son public : c'est rentre-dedans, efficace, avec ce qu'il faut de mélodie dans le chant pour fédérer la foule, bien heureuse de s'égosiller au fur et à mesure que les hymnes s'enchaînent. Côté show, si la simplicité va très bien à TAGADA JONES qui vient cracher ses tripes sans supplément d'artifices, on apprécie tout de même un spectacle qui ne lésine ni sur les étincelles ni sur les musiciens supplémentaires selon les titres. Par exemple Le Dernier Baril, avec les BIDONS DE L'AN FER et leurs percussions façon TAMBOURS DU BRONX, gagne une lourdeur et une puissance industrielle qui fonctionne du tonnerre en live tout en illustrant la variété des registres des JONES, mais on a aussi droit à des cordes en renfort sur Combien de Temps ou Vendredi 13, renforçant l'émotion des morceaux et leur apportant plus d'ampleur.
Forcément, avec une telle carrière, un concert ne peut pas tout couvrir. TAGADA JONES joue en grande majorité des morceaux relativement récents (quasi rien n'a plus de dix ans, les albums sortis depuis Dissident se partageant la grande majorité du set), histoire de rester cohérent. Passer à côté de l'occasion de jouer Nation to Nation de PUNISH YOURSELF avec vx69 en guest aurait été bien triste, surtout que le groupe Toulousain ne la joue plus de son côté : on a toujours de la place pour un petit rab de fluo ! Fidèle à son image TAGADA JONES est incisif et rassembleur, brassant un public amateur de punk et de metal qui slam à tout va sous le sourire de Nico, habitué mais jamais blasé.
En une heure et demi, TAGADA JONES offre sans compter à son public un spectacle aux airs de grande fiesta généreuse. Les fans sont ravis et ceux qui réussiront à se lever pourront y retourner le lendemain pour en reprendre un peu : transpirer tous ensemble et avoir des acouphènes est devenu un luxe qu'on aurait tort de bouder.
Setlist :
À Feu et à Sang
Je Suis Démocratie
Combien de Temps
De l'Amour et du Sang
Le Dernier Baril
Les 4 Elements
Nous Avons la Rage
Tout va Bien
Karim & Juliette
Plus de Son, Plus d'Image
La Peste et le Cholera
Nation to Nation
Le Feu Aux Poudres
Vendredi 13
De Rires & de Larmes
Mort Aux Cons
Zero de Conduite
Cayenne