The March Violets + Sexblood @ La Boule Noire - Paris (75) - 21 octobre 2023

Live Report | The March Violets + Sexblood @ La Boule Noire - Paris (75) - 21 octobre 2023

Pierre Sopor 25 octobre 2023 Pierre Sopor

Plonger la Ville Lumière dans la pénombre, repeindre la Boule Noire, eh bien, en noir... la soirée organisée par Le Boucanier, presque comme un cadeau fait aux amateurs de goth "à l'ancienne", était pleine de sombres promesses, toutes plus aguichantes les unes que les autres. Parmi les effluves sépulcrales, on y décelait aussi un parfum de nostalgie : la dernière fois que The March Violets jouait à Paris, c'était en 1984 dans une salle appelée La Sébale où se trouve désormais un coiffeur. Voilà qui aurait pu intéresser Sexblood, qui jouait en première partie : les alsaciens ont le cheveux libre et fier et la mine maussade de rigueur au moment de monter sur scène.

Sexblood

De nostalgie, il est encore question même si Sexblood n'a sorti son premier album qu'en 2022. La formation gothic rock originaire de Mulhouse rend en effet hommage aux classiques du genre, des Sisters of Mercy à Rosetta Stone, de The Mission à Fields of the Nephilim avec un respect qui va des lunettes noires (pour voir le monde aussi sombre qu'il le mérite !) au second degré pince-sans-rire. Jamais aucun sourire ne vient déformer les visages de marbre des musiciens en une grimace grotesque, non, l'ambiance est au deuil et le seul humour auquel le chanteur Abel de Beauvoir se laisse aller, c'est l'humour alsacien (c'est à dire un humour plutôt funèbre, qui, à bien y réfléchir, n'en était peut-être pas... ce n'est pas un hasard s'ils collaborent avec le projet electro / noise KG). Le genre de personnes auxquelles, quand elles demandent si "on va bien ce soir", il vaut mieux éviter de répondre "oui" comme des idiots. Les morceaux du premier album s'enchaînent et, déjà, sonnent comme des classiques : l'ambiance mélancolique et grisâtre de Silent Hill, le groove agressif de Bad Priest ou, bien sûr, les orgues synthétisés de Teach Me to Cry en fin de set, apogée à la fois sépulcrale et épique d'un concert généreux où le respect des codes n'empêche ni l'efficacité, ni une certaine inventivité (on apprécie tout particulièrement comment des atmosphères cinématographiques côtoient des guitares accrocheuses). C'est rock'n'roll, froid, élégant et romantique. Avant de quitter la scène, Sexblood nous condamne d'un "soyez tous maudits" : jouissif dans le sinistre jusqu'au bout, à la frontière du kitch mais dans un amour sincère du genre, Sexblood était beaucoup trop cool. Bien sûr, n'allez pas leur répéter, ça les vexerait.

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The March Violets

Il y a bientôt quarante ans, The March Violets jouait pour la dernière fois à Paris. Qui y était ? Allez, on parie que certains peuvent s'en vanter. En attaquant leur set avec Crow Baby, le groupe originaire de Leeds, désormais un trio, vise juste, en plein dans cette fibre nostalgique nous renvoyant une époque où certains n'étaient encore que des "bébés corbeaux" (et les autres n'étaient pas nés). Sur scène, l'énergie de Rosie Garland est irrésistible : il y a ses mimiques, bien sûr, mais aussi le temps qu'elle prend à introduire chaque titre d'un bon mot, les sourires qu'elle échange, son enthousiasme et son éloquence chaleureuse. Elle impressionne autant qu'elle met à l'aise son audience. Certes l'atmosphère n'est pas au respect ni aux relents de naphtaline, avec cet esprit punk décalé so batcave qui hante It's Hot, 1 2 I Love You ou encore Grooving in Green, mais quand même : ce line-up impose le respect, que l'on regarde du côté de William Faith à la basse (Faith and the Muse, Christian Death, Mephisto Waltz, The Bellwether Syndicate), le seul des trois qui n'était pas présent lors de la formation du groupe, ou du côté de la guitare avec Tom Ashton (qui a bossé avec les Sisters of Mercy et Clan of Xymox), de belles expériences hantent l'atmosphère.

Cependant The March Violets ne se complaît pas dans le passé : il y a quelque chose d'intemporel, voire de très actuel, dans cet esprit festif mais aussi dans l'urgence transmise par la boite à rythme implacable, ou la rage contenue dans la voix plus rugueuse de William Faith qui se greffe à celle de Rosie Garland, mélancolique, théâtrale, poétique et ironique. The March Violets n'est pas accablant ni sinistre, au contraire, il s'en dégage une forme de décalage, un côté un peu garage plus rentre-dedans que "rentré au dedans". Les morceaux plus récents comme Made Glorious se fondent dans la masse sans problème, tout comme les nouveautés Heading for the Fire et Crocodile Teeth, annonciatrices d'un futur proche toujours vivace. Après tout, la vie fait partie de la mort et ces corbeaux-là savent aussi en célébrer la fugacité.

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