Prada Meinhoff
Il est probable que le nom de Prada-Meinhof ne vous dise rien. En Allemagne, l'expression est bien plus polémique. Prada fait évidemment référence à la marque de luxe. Meinhof, vous le connaissez peut-être mieux dans la bande à Baader ou le groupe Baader-Meinhof, pour Andreas Baader et Ulrike Meinhof. Toujours rien pour les plus jeunes ? Il est fort probable que les agissements de la RAF ne fassent même plus partie des livres d'Histoire, puisque la matière devient elle-même optionnelle à présent... Je vous conseille un petit tour chez votre ami wikipédia. Pour les autres, Prada-Meinhof est une expression humoristique que l'on emploie pour dénoncer la récupération commerciale de personnages, causes et mouvements politiques, dont l'exemple le plus flagrant reste évidemment le visage du Che, vous savez, ce gars sur les t-shirts.
Le groupe PRADA MEINHOFF joue avec ce thème mais précise toujours qu'ici, c'est PRADA MEINHOFF avec deux "f", et la charismatique Chrissi Nichols d'ajouter: "et nous somes évidemment habillés en Prada ce soir". Voici le duo de berlinois déjantés qui fait la première partie de la tournée de TÜSN en Allemagne ce mois d'octobre. Le groupe balance un electro aux relents patenté de punk, avec une aisance assez brillante il faut le reconnaître. Peu d'infos circulent sur le duo, qui semble tout jeune, et pourtant leur jeu de scène semble avoir écumé déjà de nombreuses tournées. Ce punk lourd et ces cris stridents ne sont peut-être pas très accessibles au public majoritairement féminin et prépubère venu voir le chanteur sex-symbol de TÜSN, qui n'a de prépubère que la plastique. Néanmoins, PRADA MEINHOFF reste dans un style gentillet, parfois presque pop, qui n'offusque pas les parents venus accompagner leurs enfants.
Pour les plus grands, le style de PRADA MEINHOFF n'est pas révolutionnaire mais bougrement efficace et rendu en performance live avec un professionnalisme que l'on souhaiterait voir chez toutes les premières parties. Après seulement 20 minutes de show, le duo quitte la scène sous l'ovation du public.
Tüsn
Des trois comparses berlinois, on ne connaît que très peu de choses. Et pour cause, TÜSN est un produit fini, commandé par Universal, qui n'a pas d'histoire propre et singulière. On ne s'étonnera donc pas que le chanteur présente ses titres ainsi : "Voici la première chanson de notre album". Mais on ne va pas râler contre la production mainstream, qui n'est pas toujours synonyme de médiocrité.
TÜSN est un très jeune groupe allemand, et si vous n'en avez jamais entendu parler en France, ici, Universal pousse son dernier poussin sur toutes les scènes. Le groupe était déjà en tournée en début d'année avec HURTS, et était à cette occasion passé à Cologne, au Palladium, l'une des grandes salles de la ville. Proposant une musique electro, pop, pétillante et à la fois torturée, bref, une musique adolescente, TÜSN s'est produit lors de plusieurs festivals de tendances très diverses. C'est ainsi que le groupe a infiltré la scène dark et participé à l'Amphi Festival et l'Autumn Moon Festival en Allemagne.
TÜSN vit depuis sa première tournée en tant que tête d'affiche et se confronte enfin à son vrai public. Et c'est le choc. Car ce dernier est composé à 80% de jeunes filles en fleur, mineures, qui assistent à leur premier concert, le doigt rivé sur le bouton rec de leur smartphone, l'autre main tenant le chargeur mobile du téléphone, on ne sait jamais qu'il tombe en rade pendant leur chanson préférée. Toutes portent le t-shirt du groupe. Toute campent au premier rang depuis la première partie. Un peu plus loin derrière, maman vient régulièrement vérifier que la fifille va bien, lui dire que papa l'attend au fond de la salle, et que surtout "amuse-toi bien". Pendant le concert, maman a tellement entendu passer le CD dans la chambre de son ado exaltée, qu'elle connaît elle-même toutes les paroles par coeur, et chante volontiers.
Ce qu'il y a de bien avec les concerts à groupies, c'est que le groupe n'a même pas besoin de jouer. L'émotion est toujours plus forte dans ces concerts où les jeunes filles scandent chaque parole comme si leur vie en dépendait. La petite cave du Luxor se voit soudain transporter dans un autre univers, la centaine de fans survoltés faisant plus de bruit que le Zénith de Paris.
TÜSN suit note pour note sa partition. La performance, le jeu de scène, la lumière, tout est réglé comme du papier à musique. À la manière d'un boys band, le groupe enchaîne les tubes sans sourciller. À la manière d'un boys band, la voix de son chanteur ne cesse que pour mieux entendre les cris d'émotion de ses admiratrices. Et à la manière d'un boys band, le jeune éphèbe au corps d'adolescent androgyne et au désormais emblématique "t-shirt" façon Jean-Paul Gaultier, n'a sûrement d'attrait pour la gent féminine que dans les termes de son contrat avec sa major. Mais qu'importe, tant qu'il fait vibrer son auditoire.
Sur scène, chaque musicien du trio a sa place et son charisme. Tout fonctionne parfaitement, et pourtant. Pourtant il manque la connivence d'un groupe, la complicité des regards, les petites blagues entre deux chansons. TÜSN n'est pas un groupe, mais trois individualités. On leur souhaite de continuer, loin et haut, mais on imagine déjà chacun faire carrière de son côté. En attendant, le trio a fait chavirer des coeurs jusque tard dans la nuit et l'on s'en est délecté.