Un an après, pratiquement jour pour jour, nous avons de nouveau rendez-vous avec ZANIAS, pour un show en solo devenu une exception. Nous avions partagé avec vous il y a quelques mois notre joie à l'annonce de la reformation du premier projet de Zoè Zanias, LINEA ASPERA, aux côtés du Britannique Ryan Ambridge. Depuis, le groupe fait le tour de l'Europe et s'est arrêté à Paris la semaine précédente.
C'est donc dans un contexte un peu privilégié que le public colognais savoure le premier concert solo 2020 de ZANIAS. L'organisateur 3Ø3 n'est pas un habitué des concerts. Résident presque à temps complet de la salle Artheater, 3Ø3 est spécialisé dans les soirées qui débutent aux heures où je dors profondément pour s'éterniser bien après le lever du soleil. Organisateur de soirées electro invoquant des DJs en vogue, 3Ø3 connaît un public fidèle et éclectique. L'Artheater étant situé à Ehrenfeld, un quartier jeune du centre-ville de Cologne, on y voit s'amasser une faune estudiantine de tous horizons dont les goûts en matière de mode nous rappellent sèchement qu'on n'a plus vingt ans.
Pour 3Ø3, c'est une première d'organiser une soirée qui commence avant minuit, un mélange de concert et sets DJ. Nul doute que le choix de ZANIAS est en lien avec les activités de cette dernière dans le milieu de la nuit (ses qualités de DJ lui permettent de mixer partout dans le monde). En guise de première partie donc, un set DJ plus dark qu'à l'habitude par Miles Pinkert, histoire de chauffer le public et d'attirer les quelques goths sortis de leur cave pour applaudir la déesse.
Mais se faire applaudir, ce n'est décidément pas son truc. Tandis que le public se dandine toujours sur le boom boom des baffles, quelqu'un sort discrètement du public et monte sur scène en me frôlant. Comme si elle ne voulait pas déranger, ZANIAS s'installe sur scène et fait ses derniers réglages. Et c'est dans un fondu que le DJ passe le relais à l'artiste. Pas d'applaudissement donc, on entre directement dans l'univers mystique de la jeune musicienne avec Rise. Les choses ont changé depuis l'an dernier. La musique est la même mais l'interprétation est plus assurée. Seule en scène, Zoè Zanias n'est plus la petite fille angoissée de faire une bêtise. Elle connaît son job, elle anticipe presque chaque pas. Elle est à l'aise et embarque le public, tout le public. Les premiers rangs sont prisés des fans de l'artiste, mais ceux qui la découvrent ce soir-là s'en donnent également à cœur-joie. Si l'univers et la performance de ZANIAS paraissent parfois un peu froid, l'ambiance dans la salle est tout autre. Tout le monde entre en transe et danse comme un seul homme.
Côté playlist, il n'y a désormais plus la place pour la nostalgie. ZANIAS ne joue plus aucun morceau de LINEA ASPERA. Une page est tournée, ZANIAS est désormais tourné vers l'avenir. On a d'ailleurs droit en exclusivité à deux matériaux inédits au cours de la soirée. Le public devient un peu plus fébrile lorsque retentissent les premières mesures des succès Aletheia et Follow the Body, amené par une transition particulièrement subtile qui fait monter lentement mais sûrement la pression. ZANIAS joue de ses propres samples comme elle le ferait derrière ses platines. Créative et unique, son potentiel regorge de trésors à venir. Le seul bémol à ce concert, et peut-être à la discographie de l'artiste, c'est justement cette exactitude, cette méticulosité. ZANIAS est de son propre aveu une control freak, et cela se ressent beaucoup dans sa musique, qui se veut mystique, tribale, expérimentale, éthérée. Mais le résultat est plus cérébral qu'émotionnel, ce qui fait de ZANIAS un projet peu accessible. On est face à une dichotomie entre le presque EBM Idoru et le mystique Exuvia. Côté performance, même constat. Être seule en scène, c'est devoir tout faire en même temps. Difficile de se lâcher dans ces conditions, et le résultat manque de spontanéité. C'est sur le transcendantal Walpurgis Night que l'artiste laisse le contrôle lui échapper et l'on souhaiterait plus de moments comme ceux-là durant le set. Mais tout vient à point qui sait attendre. L'expérience lui permettra d'ici quelques années d'atteindre ce lâcher-prise qui dévoilera tout le spectre de son talent.
On se quitte de nouveau en transe avec Idoru, avant qu'Alison Lewis ne quitte la scène comme elle est arrivée, sans un mot, sans rappel, d'un pas décidé. On la retrouve au bar toute la soirée à signer des autographes et faire des photos avec les anciens et nouveaux adeptes de la zaniasmania. Dans la salle, on déménage tout pour installer les platines des DJs à venir. La soirée s'annonce longue, mais vous ai-je déjà parlé de mes besoins élevés en sommeil ?
Setlist :
01. Rise
02. Harmaline
03. Aletheia
04. Endling
05. Atrophy
06. Follow the Body
07. Limerence
08. Walpurgis Night
09. Division
10. Idoru