3TEETH a dix ans cette année. Le groupe californien a connu des débuts tonitruants avec un premier album éponyme remarqué mais aussi des tournées en compagnie de Tool et Rammstein qui les ont vite propulsés au sommet des nouvelles choses à suivre absolument dans le metal industriel. Avec shutdown.exe et Metawar, une tendance s'était dessinée : 3TEETH était plus propre mais la machine semblait inarrêtable, boulet de démolition d'une efficacité redoutable à défaut de surprendre. Entre temps, une pandémie est venue semer le chaos, annuler des dates et, probablement, repousser la sortie de ce quatrième album. EndEx, enregistré dans le désert et produit par l'illustre Mick Gordon (notamment compositeur des OST des récents jeux Doom), est enfin là.
A priori, pas de changement majeur en vue : 3TEETH développe le même univers apocalyptique aux symboles cryptiques et influences cyberpunk, où mystique et technologie se mélangent sur fond d'effondrement global, de consumérisme frénétique et d'inquiétantes Intelligences Artificielles. Vous l'aurez compris, comme souvent avec les univers dystopiques, le futur est déjà là et c'est en nous écrasant avec l'épais brouillard créé par les synthétiseurs de Xeonogenesis que le groupe nous y envoie. Les couches s'empilent, les riffs de guitare sont pachydermiques, les percussions solennelles et impitoyables, c'est lourd et parfois surchargé, bref, 3TEETH offre ce à quoi on s'attendait. Le rythme s'accélère et le groove n'a rien perdu de sa contagion : Acme Death Machine (dont les guitares portent bien la signature de Mick Gordon) instaure un sentiment d'urgence et une tension angoissée avant que Slum Planet n'offre à EndEx son premier titre décomplexé et fun, entre Rob Zombie, Marilyn Manson et Static-X, mené par une rythmique entraînante et des refrains entêtants.
Campagne promo oblige, on connaissait déjà la moitié d'EndEx avant sa sortie. Ce n'est pourtant pas dans les singles que l'on trouvera les passages les plus intéressants de l'album... On n'a rien contre Slum Planet et Merchant of the Void et leur accessibilité immédiatement jouissive mais on leur préfère l'agressivité débridée d'AL13N aux vociférations possédées et aux respirations mélodiques inspirées ou encore Plutonomicon et son ambiance noire crasseuse plus mélancolique étonnamment poignante. C'est d'ailleurs sur ce terrain que 3TEETH nous surprend le plus, quand les Californiens s'éloignent du monolithique, du monumental et du grandiloquent pour s'orienter vers quelque chose de relativement plus intimiste, à l'image de Drift (l'influence de Nine Inch Nails y est flagrante), où Alexis Mincolla peut proposer autre chose que ses grognements caverneux prophétiques. Au rang des curiosités, on apprécie également la sauvagerie bruitiste de Paralyze, morceau de 2021 en collaboration avec les fous furieux de HO99O9, ou la relative légèreté qu'apporte une nouvelle reprise, cette fois-ci Everybody Wants to Rule the World de Tears for Fears. 3TEETH continue de s'approprier des hits pop pour les corrompre en y ajoutant un sentiment de menace industrielle supplémentaire et ce genre de petits clins d'oeil font toujours leur petit effet.
Si 3TEETH aime nous écraser de tout son poids, on apprécie comme le mystère quasi fantastique apporte à cette redoutable pesanteur une certaine richesse (Scorpion). Si EndEx ne bouleversera pas les habitués, force est de constater que l'album n'est pas non plus une redite paresseuse. Les idées y sont nombreuses, au point parfois d'étouffer un peu des morceaux qui nécessiteront plusieurs écoutes pour révéler tout leur potentiel (tant mieux). Héritiers de la scène metal indus américaine des années 90, 3TEETH associe sur EndEx l'easy-listening à la lourdeur apocalyptique, le plaisir immédiat aux subtilités cachées (si, si), les parpaings mécaniques et une forme d'élévation plus éthérée. Comme d'hab, en somme, mais en toujours plus travaillé et abouti.