Il aura fallu bien peu de temps à 3TEETH pour devenir le nouveau truc "in" du metal industriel américain : avant même de sortir son deuxième album, le groupe était devenu "les types qui ont ouvert pour TOOL et RAMMSTEIN et dont le chanteur a une moustache incompréhensible". Depuis, les Californiens ont grandi et Shutdown.exe enrichissait leur son, devenu plus ample, et l'emmenait vers de nouvelles directions. Il reste à voir ce qu'ils pouvaient bien dire de plus avec Metawar.
Dans le fond, la recette n'évolue pas vraiment. L'univers est dystopique et ressemble à un récit d'anticipation cauchemardesque des années 80 : en bref, c'est notre monde, quoi. Le ton, lui, oscille toujours entre ironie absurde et dérision rageuse : Alexis Mincolla n'a pas seulement l'air d'un gros dur de série B avec son mulet et sa moustache, il cultive aussi un certain sens de la punchline. Le propos reprend bien sûr dans les grandes lignes les différentes obsessions américaines, allant du consumérisme débridé (Affluenza) au cocktail complotisme / politique (President X). Ce n'est pas pour rien si le disque est sorti le lendemain de l'Independance Day...
Musicalement, 3TEETH n'est jamais aussi bon que dans son rôle de rouleau compresseur. Compositions simples, rythmiques martiales, riffs poids lourd : les refrains de Exxxit et les mugissements d'American Landfill plantent une ambiance apocalyptique convaincante. C'est peut-être légèrement facile, mais tellement jouissif. Il y a dans la lourdeur du son un parallèle à faire avec AUTHOR & PUNISHER qui réussit à tirer de ses machines un sentiment d'oppression et d'écrasement comparable pour un propos sur l'asservissement de l'homme pas si éloigné (Exxxit).
3TEETH semble pourtant avec Metawar se diriger vers des sonorités plus lisses, direction que l'on devinait déjà sur le précédent album. Il y a cette production, très propre, cette tendance à pondre du hit accrocheur un peu facile (Bornless) et surtout le chant de Mincolla sur les trois derniers titres qui s'adoucit dès Blackout. C'est finalement là que 3TEETH nous surprend le plus, en se déchargeant de sa violence pour se rapprocher du dancefloor goth, notamment avec cette étrange reprise de Pumped Up Kicks du groupe pop FOSTER THE PEOPLE. Si la voix n'est pas le vecteur d'émotion le plus convaincant chez 3TEETH, saluons le travail des synthés qui bien souvent (ALTÆR, Sell Your Face, Bornless) apportent un relief, une inventivité et un aspect dramatique que les guitares, plus simplistes, ont tendance à délaisser pour préférer rouler des mécaniques.
Avec Metawar, 3TEETH fait preuve du même talent que d'habitude pour pondre de gros hymnes metal indus efficaces et percutants à défaut d'être d'une originalité folle. On les savait déjà capables de tout ça. En confirmant une direction toujours plus accessible, le groupe démontre soit une volonté de surprendre, soit qu'il se normalise, allez savoir. Le résultat ne plaira probablement pas à tout le monde. Ce troisième album, au final, est le plus prévisible des Californiens : ça y est, ils sont devenus une institution et le public sait à quoi s'attendre... à l'exception de ce final pop. 3TEETH nous laisse donc avec un paradoxe : c'est en faisant mine de rentrer franchement dans les rangs qu'il nous surprend le plus !