Il va falloir s'y faire : ABBATH en a fini avec IMMORTAL (et vice-versa) et fascine moins pour la froideur de ses compositions que pour ses frasques. Ce qui, aujourd'hui, nous fait aller vers ce Dread Reaver, c'est plus un certain cynisme, l'envie de se dandiner en rigolant sur des morceaux un peu idiots mais fun plus que l'espoir d'y être bouleversé. Il faut dire que l'artwork n'invite pas franchement à la sobriété ni à l'élégance et encore moins à la terreur.
Peu importe l'emballage, c'est sur ce qu'il a dans le ventre que sera jugé la nouvelle facétie d'ABBATH. On veut bien lui laisser le bénéfice du doute : Acid Haze entre dans le vif du sujet sans grande originalité mais avec une efficacité rafraîchissante. Il y a assez de rythme pour fédérer et faire la fiesta, c'est un bon point. Hélas, entre une production souvent confuse et brouillonne (l'envie de sonner plus crade et spontané, peut-être, hélas atténue la puissance du rouleau compresseur) et un manque d'inspiration souvent flagrant (la reprise poussive de Trapped Under Ice de METALLICA), ABBATH épuise plus qu'il ne divertit. Si l'on est ravis de le voir exprimer librement sa passion pour le hard rock et le heavy des années 80 et 90, on est un peu embarrassé par son orientation punk / rock'n'roll trop appuyée et maladroite : on sait le gaillard fan de MOTÖRHEAD mais il aurait pu garder ses hommages pour le groupe BÖMBERS plutôt que de venir singer Lemmy sans passion ni inventivité ici. Pourtant, parfois, Dread Reaver réserve quelques passages où l'on y croirait presque, comme le single Dream Cull avec ses touches world music et son atmosphère sinistre horrifique où la menace de cette voix rocailleuse fait encore effet, Myrmidon et ses riffs qui font mouche, ou la puissante Septentrion et son atmosphère hivernale aux airs d'IMMORTAL. Quand ça fonctionne, ABBATH évoque BATHORY ou VENOM dans ce rock méchant, incisif où froideur et groove laissent deviner les charmants bourgeons d'une musique plus extrême.
L'accueil que chacun fera à Dread Reaver dépendra des attentes que l'on y plaçait. Successeur du side-project I, l'album n'est ni mémorable ni honteux. Vous y allez pour vous amuser un bon coup avec un cocktail énervé rock / black / heavy / punk kitch où le has been devient d'une certaine manière magnifique dans son entêtement à rester debout ? Vous serez servis. Vous trouvez qu'ABBATH (et IMMORTAL) ne sont pas des choses à prendre à la légère, que la musique c'est du sérieux et qu'on n'est pas là pour rigoler ? Dans ce cas, on s'étonne carrément que vous lisiez ces lignes !