Qui dit nouvel album de ALICE COOPER dit forcément album au concept très présent, à l'univers précis, cohérent et à la narration marquée. Welcome to my Nightmare, The Last Temptation, Along Came A Spider... Quelque soit l'époque, ses albums nous ont régulièrement invité dans son univers cauchemardesque et théâtral. Et pourtant, après un Welcome 2 My Nightmare à l'accueil mitigé en 2011 malgré quelques pistes assez jouissives, le papy du shock-rock s'est dirigé vers quelque chose de plus simple avec Paranormal.
À en croire le discours promotionnel, c'est un choix que Cooper a fait avec son producteur Bob Ezrin, pourtant derrière Welcome 2 My Nightmare : ne pas se prendre la tête avec un concept compliqué, mais plutôt proposer des pistes qui leur plaisaient. Faire du rock'n'roll et s'éclater, tout simplement : une démarche qui pourrait rappeler celle qui accompagnait The Eyes of Alice Cooper, il y a une petite quinzaine d'années, qui s'éloignait des ambiances plus effrayantes des précédents albums. À l'écoute, dès le morceau titre (avec Roger Glover de DEEP PURPLE en guest) cette envie se traduit par une musique plus simple et épurée : bien loin des délires de Disco Bloodbath Boogie Fever par exemple ou des tentatives plus industrielles, la petite bande de ALICE COOPER revient à un son qu'on croirait sorti tout droit des années 70-80. Mais attention : il y a la théâtralité, il y a la voix impeccable de Alice capable de sonner si jeune quand elle monte dans les aigus et il y a tout de même une ambiance légèrement hantée qui fait frissonner lorsqu'il nous murmure "you're never alone", on est bien chez ALICE COOPER. Et pourtant, le principal intéressé insiste : cet album n'a pas pour but d'être effrayant, chaque titre évoquant plus des personnes en dehors de la normalité. Très bien, même pas peur alors.
Les titres sonnent comme des classiques du rock (il faut dire qu'en invitant des musiciens de DEEP PURPLE, des ZZ TOP ou de U2 ça ne risquait pas d'être très moderne), aux rythmiques entraînantes et au son chaud, festif. On y ajoute le goût certain de Cooper pour la grandiloquence et le théâtral et ça nous donne des cuivres sortis tout droit de la fanfare d'un cirque sur la très groovy Holy Water aux couplets délicieusement décalés, par exemple. Moins horrifique ? Peut-être. Et pourtant, sur l'excellente Paranoiac Personality et sa rythmique irrésistible, le groupe s'amuse à mélanger à son travail les hurlements stridents des cordes du film Psychose, qui surgissent comme des coups de couteaux avant que Cooper ne mélange ses syllabes, chantant "my personoiac paranality" vers la fin du titre. Quand on vous dit qu'ils s'amusent sans se prendre la tête... La guitare de Billy Gibbons (ZZ TOP) donne à Fallen In Love un cachet à la fois unique et reconnaissable entre mille, toujours aussi fun. Il arrive que le rythme s'emballe pour un rendu plus punk-rock (Fireball, Dynamite Road) et ralentisse aussi lors de l'inévitable balade, en l'occurence Private Public Breakdown ici. Avec The Sound of A, l'album s'achève sur une piste plus ambiante et mélancolique, au psychédélisme très 70's et parmi les plus réussies du disque. Enfin, s'achève... pas tout à fait, puisque Paranormal contient également un deuxième disque avec deux morceaux inédits enregistrés par le line up d'origine (on retient surtout l'amusante Genuine American Girl qui parle d'une personne transgenre, situation que l'on apprécie d'autant plus qu'elle est chantée par un homme qui choquait avec son maquillage outrancier), et quelques morceaux live. Ceux-ci sont des classiques ré-enregistrés, s'ancrant donc dans la même démarche retro que le reste de l'album. Si vous découvrez tout juste ALICE COOPER et n'aviez jamais entendu Feed my Frankenstein ou School's Out, tant mieux pour vous. Sinon, malgré le statut de classique éternel de ces morceaux, il faut bien admettre que c'est plutôt anecdotique.
Paranormal est un album sans aucune prise de risque. Très bien, ça c'est dit. Et pourtant, vu le talent et le plaisir évident et sincère qu'ont pris les musiciens à l'enregistrer, c'est aussi un album très attachant et réussi. Paradoxalement, Paranormal est étrangement rafraichissant grâce à sa simplicité, sa sobriété et et son efficacité. Ce n'est pas un album concept, ni expérimental, ni un opera-rock mégalo. C'est juste un classique sorti en 2017.