La créativité d'AMANDA PALMER et sa spontanéité ne sont plus à démontrer : affranchies d'impératifs commerciaux et libre de faire ce qu'elle veut quand elle le veut grâce à ses mécènes via Patreon, l'artiste nous offre très régulièrement de nouveaux EPs ou albums. Un an après le magnifique (et d'une importance capitale) There Will Be No Intermission, la revoilà donc avec un curieux album. Amanda Palmer et quelques amis ont enregistré à la vitesse grand V une compilation de reprises dont tous les bénéfices vont à un réseau fondé par des indigènes en Australie enseignant des techniques traditionnelles de gestion du feu et du terrain pour éviter les incendies catastrophiques qui ont ravagé le pays pendant des mois.
Forty-Five Degrees (faisons court) commence avec My Favorite Things, reprise de la chanson issue de La Mélodie du Bonheur. Amanda Palmer en fait une valse cabaret guillerette mais y ajoute son grain de sel lors d'une twist de conclusion glaçant, tout en ironie douce-amère si typique de sa formidable plume : après avoir énuméré toutes ses "choses préférées" (les abeilles, les chiens, etc), elle ajoute que quand elles seront toutes mortes, elles essayera simplement d'en garder le souvenir. Sauf que non, elle sera morte, et nous avec. Le ton est donné. Les reprises que l'on retrouve ici, derrière des allures parfois joyeuses, ont toutes en elle ce petit air de fin du monde et nous rappellent que notre monde brûle à cause de nos actes irresponsables.
Il faut entendre cette reprise de Beds are Burning des Australiens de MIDNIGHT OIL, pleine d'enthousiasme. Accompagnée de Missy Higgins au chant mais aussi de son compère des DRESDEN DOLLS Brian Viglione à la batterie et du fidèle Jherek Bischoff à la basse et la guitare, elle y chante avec toute l'énergie et l'entrain du désespoir en s'appropriant le message déjà politique et écolo de l'originale. Après des débuts tonitruants, a mélancolie s'installe néanmoins dans Forty-Five Degrees avec The Drover's Boy, Black Smoke et surtout Suck It Up, Buttercup, seul morceau original de l'album sur lequel Palmer nous tient en haleine huit minutes armée seulement de son piano jusqu'au final en apothéose rageuse.
Avec ses relectures sobres et acoustiques, Forty-Five Degrees provoque diverses émotions : il y a de l'énergie, de la vie, de la tristesse, de la colère et bien souvent un peu de tout ça en même temps. Amanda Palmer a déjà prouvé à maintes reprises son talent pour rendre les morceaux d'autres artistes et cet album enregistré très vite et à plusieurs est, à nouveau, sans aucune faute de goût en plus d'avoir une cohérence thématique qui lui évite le piège de la compilation de reprises. C'est ça, le talent.