Coldwave is not dead. Non seulement de jeunes groupes comme LEBANON HANOVER remettent à la mode le genre issu du post-punk des années 80, mais il est un groupe de cette époque qui n'a jamais cessé de sortir de bons albums dans ce registre ; ce groupe, bien sûr, c'est AND ALSO THE TREES, qui en 2016 encore nous fournissait l'élégant Born Into The Waves. Avec The Bone Carver, la vénérable formation britannique nous propose cette année un dix-septième album centré sur un imaginaire urbain et où reviennent des thèmes liés à l'Europe centrale et orientale, bien que le chanteur Simon Huw-Jones ne la connaisse pas en réalité (interview chez nos confrères de Obsküre).
Dès le premier morceau In a bed in Yugoslavia, on retrouve ce mélange de gravité et de douceur typique d'AND ALSO THE TREES, la mélodie désabusée se combinant avec la force du riff et du chant empli de nostalgie de Simon Huw-Jones : le charme agit aussitôt, le morceau est délicieusement entêtant et restera l'un des meilleurs de l'album. On n'est pas surpris de l'ambiance d'abandon fasciné qui s'en dégage, c'est très exactement ce que l'on attend d'un album d'AND ALSO THE TREES, mais avec de nouvelles sonorités, en particulier l'omniprésence de la clarinette.
Si In a bed in Yugoslavia est une introduction à la construction très simple, et par-là même efficace, les morceaux suivants s'inscrivent dans la même atmosphère mais avec des structures plus complexes, on les retient moins facilement mais on se laisse davantage surprendre par eux. La plupart sont construits sur une alternance entre des passages de retenue, d'oscillations comme prises entre des émotions contradictoires, avant que la guitare et la batterie ne nous emportent sur les riffs, mais sans jamais nous lâcher la main, le but n'est pas de nous brutaliser mais de nous entraîner vers des sommets d'émotion, séduits par la beauté et l'amertume des rencontres de personnes et de lieux chantées par Simon Huw-Jones, perdu quelque part dans une grande ville. On apprécie également la richesse sonore ; outre la clarinette réellement jouée par Colin Ozanne, diverses sonorités sont également présentes sous la forme de samples et apportent une richesse bienvenue, qui accroissent souvent l'impression que l'album s'ancre à l'est, on entend notamment ce qui semble être un échantillon de balalaika. La formule connaît des limites, il est vrai : arrivé à la fin de l'album, on a l'impression d'avoir un peu fait le tour de ce nouvel univers sonore et de la gamme d'émotions qu'il nous propose. Néanmoins, les structures variées font qu'on l'apprécie jusqu'au bout.
Mis à part In a bed in Yugoslavia, on retient particulièrement The seven skies pour son beau crescendo et son chant éperdu, la très belle intro de The book burners ou la tension de Another town another face. Une fois de plus, on sort de l'album sous le charme ; AND ALSO THE TREES continue à renouveler ses sonorités sans rien perdre de son irrésistible mélancolie glacée.