On trouve dans la scène néoclassique gothique des groupes souvent issus du black metal qui pratiquent une musique extrêmement atmosphérique, évoquant une bande originale. En France, ce style était notamment pratiqué par Elend et Dark Sanctuary, toutefois son représentant le plus connu à l'échelle internationale est Autumn Tears, dont la trilogie Love Poems for Dying Children demeure une référence incontournable en la matière, utilisant le classique avec un minimalisme menaçant. Créé au Texas dans les années 90, Autumn Tears est devenu depuis un collectif international, toujours actif : sorti cette année, Guardian of the Pale est son neuvième album.
Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le projet est ambitieux ! Guardian of the Pale est un double-album, les deux disques atteignent à eux deux une heure et onze minutes ; surtout, ce sont cette fois plus de soixante-dix artistes qui ont été conviés à participer, dont un chœur complet et de nombreux instrumentistes classiques, ainsi que des membres d'autres projets parmi lesquels on reconnaît notamment Francesca Nicoli du groupe de néoclassique médiéval italien Ataraxia... Cette démesure n'est pas si surprenante que ça : cela fait plusieurs albums qu'Autumn Tears a abandonné le minimalisme glacial pour proposer au contraire un son massif et orchestral, s'inscrivant moins dans le registre des ténèbres que dans celui de l'épique et du féérique. Pourquoi pas ? On est curieux d'entendre cela.
Si l'introduction du premier disque Old Tree nous fait agréablement penser à du Dead Can Dance période The Serpent's Egg, la plupart des morceaux, dominés par les instruments à cordes et les chœurs, nous évoquent plutôt les bandes originales épiques à la Hans Zimmer ; seulement voilà, on connaît bien les clichés du genre et on n'arrive pas à se laisser surprendre, qui plus est leur structure fait qu'ils décollent rarement jusqu'au bout. On trouve également sur l'album des ballades dominées par le piano comme Requiem For Each New Day ou The Clairvoyant, mais celles-ci ne sont pas toujours du meilleur goût non plus : les notes du piano, toujours claires, sombrent rapidement dans la miévrerie. Sur le plan instrumental, l'album fait finalement moins penser aux références de la scène heavenly-voices qu'à ce que pourrait donner un groupe de metal symphonique comme Epica si on lui ôtait ses guitares et sa batterie : il manque quelque chose, quand bien même les arrangements sont bien faits. Il faut ajouter à cela que le chant, féminin aussi bien que masculin, convainc rarement : le plus souvent dans un registre d'opéra, on n'y trouve pas la puissance nécessaire pour ne pas le juger excessif.
En dépit de la puissance orchestrale mobilisée, l'album glisse donc le plus souvent sur nous sans vraiment parvenir à nous emporter. Il y a tout de même des moments où l'album parvient à nous séduire : Daydreaming In Ash Fields, en particulier, fait une bonne ballade féérique, le chant doux est cette fois réussi et le piano forme un plaisant contraste avec les percussions ; Lavender Mist et Radiant Blood ont une vigueur appréciable ; enfin, le crescendo de The Pulse in the Sky réussit réellement à nous entraîner dans son souffle épique. Néanmoins, on est désolé de devoir conclure que le résultat global n'est pas à la hauteur de ce que l'on attendait et que l'on préfère Autumn Tears plus sombre, lorsque la lumière se met à décroître et le climat à fraîchir.