Chronique | Avi C. Engel - Too Many Souls

Franck irle 20 juin 2024 Franck irl

A la surface du print de Too Many Souls, flotte le nom de Avi C. Engel, artiste dont la musique, fait figure d'exception en terme de musicalité, échappant aux classifications. Prenons le temps de revenir sur ce disque confidentiel sorti en février 2024.  

Aux racines d'une musique transfigurée, aux ondes circulaires que la pochette suggère, les textures acoustiques déclinées sous plusieurs instruments (Gudok, talharpa, percussions, mélodica, guitares) sont le continuum d'une poésie transfigurée du passé vers le présent. Au traditionalisme musical folk de Wayfaring Stranger, Avi C. Engel y adjoint des textes proches des contes populaires, notamment dans Hold This Flame qui ouvre l'album. Mais les paroles délivrées ici sont d'une étrangeté métaphysique que la trame musicale renforce. C'est une expérience sonore, immersive qui nécessite d'être impliqué dans le champ des émotions qui se déploient sur l'ensemble des compositions. Tout en expansion, présages et visions deviennent pièges à fantômes. 

Ce qui caractérise Too Many Souls, ce sont les sensations auditives (phrases, bruits, sons musicaux, etc.), visuelles, chromatiques. Dépouillement total qui est dépassement de soi. On reste dans une sorte de synopsis, jusqu'au basculement qu'incarne Without Any Eyes dont la pesanteur se disloque autour de cordes et de guitares tremolos, une musicalité hantée qui imprègne l'écorce, pour se joindre à la sève et irriguer le corps. La rythmique s’échafaude autour de percussions, tel un rituel que le folk insuffle par sa propre essence.

En complément de ces images suggérées par ses textes, Avi improvise selon un tracé inspiré de ses visions, toute une série de dessins, à l'encre artisanale. Too Many Souls est un voyage, où toute chose nouvelle emplit le vide laissé par ce qui était resté jusque là, inerte. Le passage now your heart is empty représente l'enveloppe dans laquelle se glisse la poésie, revivifiée par cette autre substance. Les élans musicaux  de Avi C. Engel nous parviennent comme une langue inconnue, signaux brouillés comme l'obscure géométrie naturelle dont l'illusion nous laisse croire que nous trouverions les secrets de chaque chose. Il n'en est rien, il faut visiter chaque élément pour en comprendre l'existence. Too Many Souls reste à ce jour, un album sur lequel il faut constamment puiser, pour y trouver le repos et la beauté qui fait défaut dans ce monde artificiel.