"BLACK MAGNET is James Hammontree" proclame la page bandcamp de l'artiste, s'appropriant la célèbre formule souvent associée à NINE INCH NAILS... Et si depuis son premier album Hallucination Scene sorti en 2020 le projet solo a muté en trio, c'est encore Hammontree seul qui est derrière Body Prophecy. BLACK MAGNET a frappé très fort avec son premier album et le second se retrouve avec une double mission : faire au moins aussi bien mais aussi montrer les capacités d'évolution du monstre.
BLACK MAGNET, c'est du metal industriel, du vrai, du méchant, du qui gratte, qui mord, qui pue, qui suinte. Chaque pixel de son artwork nous rappelle d'ailleurs Tetsuo, probablement le film le plus "indus" qui soit : le corps souffre et mute alors qu'il se mécanise, la machine remplaçant l'humain dans une démarche d'asservissement presque mystique... Le cadre est posé, et l'intro d'A History of Drowning nous plonge dans un enfer où, effectivement, l'homme se fait broyer par les métaux et une industrialisation impitoyable, froide, écrasante. On pense à la lourdeur implacable d'AUTHOR & PUNISHER mais très vite BLACK MAGNET adopte une posture plus agressive, plus rapide que le doom industriel de Tristan Shone. Hammontree n'est pas là pour prendre la pose et se regarder le nombril, ni pour tenter se singer ses références. Lui, ce qu'il veut, c'est nous punir, mais avec un goût pour les morceaux courts, accrocheurs et ravageurs.
Si les influences et l'esprit ont un goût cuivré qui rappelle les moments les plus glorieux du genre, la musique est moderne. On a le droit de penser à SKINNY PUPPY pour la démence, ATARI TEENAGE RIOT pour l'agressivité des beats ou MINISTRY (l'intro de Floating in Nothing est à rapprocher de celle de So What) pour ce goût des boucles impitoyables et de l'empilement de couches quasi psychédélique, mais BLACK MAGNET dynamite tout ça avec rage. Les guitares sont lourdes et rugueuses, le chant inhumain, l'ambiance apocalyptique (et à son paroxysme sur Incubate). La recette a peu évolué depuis Hallucination Scene, même si l'on apprécie un son plus fourni et que l'on note la place plus importante prise par les guitares. On comprend mieux alors l'évolution du projet solo vers un trio qui devrait apporter à BLACK MAGNET encore plus d'ampleur à l'avenir et peut-être un travail de composition plus approfondi : après deux albums, si la musique fait toujours son petit effet, on commence aussi à sentir les limites de l'entreprise.
Hammontree n'a pas une voix exceptionnelle, un super-concept ou un look que l'on remarque mais sait y faire pour semer le chaos. De ce chaos, l'humain s'extirpe comme il le peut quand la machine ralentit (le temps de Sold me Sad, par exemple), mais continue de se faire hacher menu dans un second album qui rappelle tantôt Cronenberg et Crash, tantôt Shinya Tsukamoto et Tetsuo pour l'univers, et les classiques de l'indus noir et méchant des années 90 pour la musique. Body Prophecy est un plaisir pour les amateurs de machines hargneuses et massives et de dancefloors poisseux. On espère cependant que le projet réussira à grandir à l'avenir et trouver un nouveau souffle, au risque de finir par se répéter.