Dans la vie de tous les jours, un bruit blanc peut désigner un son comme le souffle d'un ventilateur, un truc aux propriétés vaguement hypnotiques que l'on peut utiliser pour aider les bébés à s'endormir. Vous aurez donc vite saisi qu'en titrant son album Black Noise, Bong-Ra ne revient pas pour nous proposer d'apaisantes berceuses. Alors que le projet de Jason Köhnen, qui mélange expérimentations électroniques et black metal, semblait avoir traversé quelques phases de remises en question en lorgnant du côté du doom et de l'atmosphérique, Black Noise semble à nouveau plus tortueux...
Ces dernières années, Köhnen a notamment pu laisser aller ses pulsions avant-gardistes dans The Lovecraft Sextet, side-project de darkjazz opaque. Faut-il voir là la raison d'un retour à l'électronique plus marqué ? Peut-être. Dystopic pose vite le décor : influences IDM, grognements gutturaux, les plus déviants auront probablement envie de danser. Bong-Ra se prélasse dans la dissonance, accumule les surprises comme pour maintenir son auditeur dans un état de tension permanent. Riffs mécaniques, noirceur impénétrable : on se fait disséquer par Death#2 et ratatiner par la pesanteur de Nothing Virus avant que Köhnen ne laisse la parole à Charles Manson le temps de Useless Eaters et ses touches techno hardcore à la fois psychédéliques et infernales.
Black Noise est une succession de cauchemars menaçants et tordus, de jeu sur les textures, entre basses étouffantes, plages atmosphériques angoissantes (la cinématographique Bloodclot, Blissful Ignorance qui a l'air parfois d'un requiem caverneux à la Skinny Puppy, version metal) et hallucinations fiévreuses (Parasites et son sound-design de trucs dégueulasses qui grouillent, malsain à souhait). Les envies doom sont toujours là et donnent à Bong-Ra une lourdeur funèbre, s'approchant parfois d'un rituel à la Trepaneringsritualen. L'industriel se mélange au mystique dans ses évocations monolithiques alors que se mélangent futur cyberpunk et vestiges ancestraux (Ruins).
Les ambiances poisseuses, l'impression de danger constant, l'inconfort de tous les instants : Black Noise est un ensemble sacrément noir et impressionnant dont on ressort éprouvé. Bong-Ra n'y fait ni dans l'affect ni dans le facile d'accès et c'est tant mieux. Ce pionnier des bizarreries entre électronique et metal extrême n'a rien perdu de son talent pour déstabiliser et ces tourments qui puent la rouille et le sang sont décidément délicieux, à leur manière.