Deuxième partie d'une trilogie d'albums démarrée en 2018 avec Leather Teeth, Leather Terror poursuit l'histoire de Bret Halford, un étudiant en sciences rejetté par la fille qu'il aimait et qui, suite à une expérience qui a mal tourné, a fini défiguré, et un peu fou aussi. Devenu chanteur du groupe fictif de glam metal Leather Patrol, il finissait par se transformer en tueur sanguinaire en quête de vengeance à la fin du premier opus.
CARPENTER BRUT sortait avec Leather Teeth un album très différent de ce à quoi l'artiste nous avait habitué jusque là, avec des sons plus pop, des ambiances moins pesantes et un ton globalement assez léger, ce qui avait pu prendre à contrepied les fans de la première heure (on en parlait ici). Cela était cependant nécessaire pour être en adéquation avec l'histoire racontée et mettre en avant la douce descente aux enfers de son antihéros. Avec Leather Terror, les choses sont toute autre : Bret est maintenant un tueur en série digne des plus grands slashers du cinéma et cela se traduit par une musique plus sombre, et ce dès Opening Title, l'intro très angoissante de ce nouvel album qui annonce la couleur. En enchaînant avec Straight Outta Hell et son rythme effréné empli d'urgence, CARPENTER BRUT montre qu'il n'est plus là pour déconner ; ça va saigner.
Leather Terror offre en effet un environnement très menaçant qui correspond plus aux premiers disques du musicien. Pour exemple, l'enchaînement Day Stalker / Night Prowler démarre en douceur dans un style synthwave très rétro assez proche des premiers morceaux de PERTURBATOR avant de dévier vers un darksynth dont la noirceur et la violence nous font tomber dans une frénésie démoniaque. L'artiste dispose d'un incroyable talent pour créer des ambiances totalement opposées mais qu'il arrive à enchaîner avec une facilité déconcertante pour nous plonger dans une sorte de folie furieuse. L'album compte quelques morceaux totalement instrumentaux (Color Me Blood, Paradisi Gloria) très énervés au climat anxiogène et qui sont loin de faire figure de simple remplissage. CARPENTER BRUT est un monstre en terme de production et la façon dont il structure ses compositions, telle une histoire qu’on raconte, est époustouflante.
On trouve également sur le disque beaucoup de collaborations avec d'autres artistes, ce qui, dans un premier temps, peut dérouter et faire perdre un peu de cohérence à l'ensemble. Passer de la voix d'Alex Westaway (GUNSHIP) à celle de Greg Puciato (THE DILLINGER ESCAPE PLAN) fait quelque peu sortir de l'album au début, mais au final on se rend compte que le choix de chaque featuring a été pertinent et colle parfaitement au morceau. Il faudra par contre un peu plus de temps et plusieurs écoutes pour bien s'imprégner des différents univers et en apprécier toutes les saveurs. Kristoffer Rygg d'ULVER revient quant à lui pousser la chansonnette sur …Goodnight, Goodbye, le titre le plus lent et mélancolique de l'album, et la norvégienne SYLVAINE vient placer sa voix sur l'envoûtante Stabat Mater. Mais le plus détonnant reste la participation de la chanteuse française PERSHA sur Lipstick Masquerade qui tape à fond dans la variété des années 80 : on se croirait en plein Flashdance ! Et malgré son enrobage pop rose bonbon, le titre fera autant remuer les nuques (longues) que le reste et est un tube incontournable. L'album se termine sur le titre éponyme Leather Teeth qui mélange electro et black metal (rappelons que l'artiste est issu de la scène metal à la base) et c'est le suédois Johannes Andersson de TRIBULATION qui vient ici hurler dans le micro pour ce final explosif.
Dans l'univers cinématographique on dit souvent que le premier chapitre d'une trilogie est le meilleur et qu'on ne peut jamais faire mieux. CARPENTER BRUT vient bousculer cette idée reçue en sortant un album excellent en tout point, plus sombre que son prédécesseur et plus abouti aussi. On attend maintenant de savoir si la conclusion de cette histoire sera encore plus grandiloquente en se posant cette question : qui de Bret Halford ou CARPENTER BRUT est le plus tueur des deux.