Sorti mi-2020, Testament Ov the Exiled a désormais droit à sa version "révisée" grâce au label du site Brutal Resonance. Le dernier album de CARRION se retrouve ainsi augmenté d'un titre inédit et d'une poignée de remixes pour prolonger le plaisir. Fondé il y a une dizaine d'années, le trio mené par le chanteur Hide n'a pas chômé dernièrement, Iconoclasm datant seulement de 2019. Tant mieux, l'univers putride du groupe mérite que l'on s'y prélasse.
La formule n'est ici pas bouleversée, et CARRION aurait d'ailleurs tort d'y retoucher. Son univers cauchemardesque prend le parti, malin, de ne jamais trop en faire. Sorte de black metal industriel post-apocalyptique lo-fi, CARRION nous traîne en enfer sans avoir besoin de hausser la voix, sans ne jamais chercher à nous faire remuer. Tout est dans la retenue, les chuchotements flippants, les bruits de machines, les nappes sinistres. Imaginez PSYCLON NINE en plus malsain et qui marcherait sur la pointe des pieds.
La prod, elle, a gagné en précision, ce qui n'altère en rien la saleté de l'album. On y gagne même en glauque grâce à la froideur clinique de cette batterie dont chaque coup sonne comme un couperet menaçant dès To Eat Crow et sa mélodie minimaliste lugubre à mort. Les plaisirs sont variés dans Testament Ov the Exiled : Eddie LaFlash pose ses croassements mansonniens sur Putting Tape Over Martyrs Mouths alors que les guitares s'éveillent et nous enveloppent comme un serpent tapi dans l'ombre, Hide se lâche The Blood ov Saints en assumant des influences black metal qui explosent dans Until the Reaper Comes, morceau le plus agressif de l'album avec l'inédit Dogs ov Hell. De cet ensemble apocalyptique émerge un mélange de désespoir, de mélancolie et de menace qui culmine lors du voyage brumeux de l'atmosphérique Let Us Bleed et ses dix minutes d'errance dans les ténèbres. Côté remixes, on note une intéressante relecture trip-hop de The Blood ov Saints par DEAD AGENTS et le groove apporté par VANITY KILLS.
Quand l'album se termine, on peut être surpris par le jour. La traversée avait des odeurs de charnier, CARRION n'y allant pas de main morte avec les ambiances cradingues et cauchemardesques. Si vous aimez lécher vos plaies tout seul dans la pénombre d'une cave d'usine en ruine, vous y trouverez votre compte. Sinon, on se demande bien ce que vous faites encore ici.