Que l'on trouve dans le metal extrême des amateurs de la scène gothique n'a rien de neuf ni de surprenant et plusieurs ont déjà franchi le cap (Moonspell, Tribulation, Tiamat, Paradise Lost ou même Cradle of Filth reprenant No Time to Cry...). Cemetery Skyline est un supergroupe fondé de chevelus habitués à la saturation, aux riffs méchants et aux refrains conquérants. Pour le casting, on retrouve l'omniprésent Mikael Stanne au chant (Dark Tranquillity), Markus Vanhala à la guitare (Insomnium), Santeri Kallio aux claviers (Amorphis), Victor Brandt à la basse (Dimmu Borgir) et Vesa Ranta à la batterie (Sentenced). Tout ce beau monde avait envie de se refroidir le sang... tout en remuant son popotin !
Le mystère ne dure pas bien longtemps : dès les premiers instants du morceau-titre qui sert d'ouverture à l'album, on comprend bien vite que ce Nordic Gothic va enchaîner les hymnes accrocheurs. La mélancolie et la noirceur sophistiquée ne sont ni plombantes ni inquiétantes, Cemetery Skyline fonce à toute allure en cochant les cases d'un cahier des charges bien défini. Dans les traces des 69 Eyes, ce n'est pas parce que parfois la cadence ralentit (When Silence Speaks et ses lamentations qui flirtent avec le symphonique et pourraient plonger dans un doom à la Swallow the Sun ou The Coldest Heart, élevé par son piano parmi les meilleurs moments de l'album) ou l'horizon s'alourdit (les riffs de In Darkness) que l'on perd de vue une efficacité de tous les instants. Le corps est là, l'ossature est solide et savoir donner une impression de simplicité demande une maîtrise du sujet que ces gaillards là ont, indubitablement.
Si Cemetery Skyline s'empare très rapidement de nos réceptions nerveuses avec son énergie et son enchaînement de hits en puissance, qu'il est inutile d'essayer de résister à l'entêtante Behind the Lie, que dans ses moments les plus réussis l'album retrouve une lourdeur accablée à la Type O Negative et un sens du rythme à la Sisters of Mercy, on est également légitimement en droit de se demander dans quel état d'esprit ces musiciens-là se sont lancés dans cette aventure. Du rock gothique pour les stades ? De l'easy-listening un brin nostalgique festif ? Pourquoi pas. Cemetery Skyline a peut-être trop souvent des airs de projet récréatif, d'un pas de côté dans lequel un groupe d'artistes peut se laisser aller à ses pulsions plus dansantes, plus "grand public" et se faire plaisir sans pour autant avoir autre chose que leur savoir-faire et leur énergie rafraîchissante à apporter au genre. Un truc pas prise de tête, quoi. Se pose alors, légitimement, la question de l'âme : que nous reste-t-il de l'ensemble une fois que l'on aura passé en boucle ses titres addictifs ?
Néanmoins, on peut également saluer cette tentative de ne pas se complaire dans la nostalgie ou dans les gimmicks. Cemetery Skyline ne surjoue pas spécialement, n'y cherchez pas de second degré grandiloquent et vampirique malgré les émotions qu'y insuffle Stanne, décidément excellent en chant clair. Nordic Gothic dégage un parfum moderne et n'est jamais kitsch malgré ses touches cinématographiques... Ce que l'on est tout à fait en droit de regretter ! Derrière son immédiateté et l'apparente facilité de ce rock sombre, on peut néanmoins apprécier toutes ses petites richesses, d'un synthé ici à une ambiance plus jazz là. Nordic Gothic est un album très plaisant, sans prétentions boursoufflées et mythomanes, qui nous entraîne avec sa fougue et ses allures parfois dramatiques et ne nous trompe jamais sur son contenu. On est néanmoins curieux de voir ce que Cemetery Skyline proposera sur la durée, une fois ce premier essai récréatif digéré. En attendant, apprécions ce premier album pour ce qu'il est, une froide fête ténébreuse qui ne s'encombre pas de lendemains hypothétiques.