Sorties après sorties, CHELSEA WOLFE continue de nous surprendre et nous impressionner avec sa musique, alchimie de doom-metal, rock gothique, darkwave et folk pour obtenir un résultat inclassable, angoissant et beau. Alors que certains passages de son précédent album Abyss nous hantent encore (Carrion Flowers, After the Fall, Maw), l'artiste américaine revient avec un nouvel album, Hiss Spun.
Abyss était un album monumental plein de noirceur et de terreur, inspiré par les cauchemars de la musicienne, ses paralysies nocturnes et le célèbre tableau Le Cauchemar de Füssli. Sur Hiss Spun, Chelsea Wolfe dit s'être inspirée du travail de l'écrivain américain Henry Miller, dont le travail mélange chaos et optimisme. Si trouver la beauté dans le désespoir semble être une constante dans la discographie de CHELSEA WOLFE, la quête est ici centrale, comme si à force d'albums cathartiques la chanteuse arrivait à une sorte d'équilibre et d'acceptation de soi. Spun, qui ouvre l'album, ne transpire pas franchement l'équilibre : rythmique hypnotique et distorsions sont au menu. La piste évoque un invocation mystique transpirant d'une folie sous-jacente et profite de la guitare de Troy Von Leeuwen (QUEENS OF THE STONE AGE). Le désespoir suinte toujours de 16 Psyche, aux guitares toujours aussi saturées. Le son est massif, lourd, intense et sa rugosité contraste avec le chant clair et triste de Chelsea Wolfe, à la façon de PJ HARVEY mais en plus gothique. Sur Vex, les influences doom ressortent plus que jamais, et Aaron Turner (ISIS) vient épaissir le morceau de son growl pour un final chaotique.
L'interlude Strain, qui flirte avec le drone, marque alors une coupure dans l'album : The Culling ne dégage en effet pas la même folie que les trois premiers titres, mais reste emprunt d'un désespoir profond, plombant. L'urgence qui se dégage de la très mélancolique Particle Flux renoue avec une angoisse existentielle que met en valeur cette introspection alors que l'artiste semble littéralement arracher ses tripes et ses névroses pour les convertir en harmonies musicales. Et si cette mélancolie est toujours aussi envahissante, les morceaux se font moins oppressants, moins étouffants et claustrophobes, laissant filtrer un peu de lumière et d'oxygène, au point que Offering dégagerait presque un peu d'espoir. Cette succession de quelques morceaux plus calmes est un peu l'oeil du cyclone de Hiss Spun, puisque son dernier tiers nous replonge dans les tourments de son auteur. Cela se fait progressivement sur Static Hum avec ses percussions menaçantes, et les riffs épais qui viennent noircir la fin du morceau. Passé ce stade, Hiss Spun replonge en eaux troubles avec l'opaque Welt qui sonne comme un abandon et la plus folk Two Spirit où Chelsea Wolfe est au sommet de ses prouesses vocales. "So stop running / From the weight of existence / Show me your insides / Show me what’s underneath / Show me your bruises" y chante-t-elle, comme une synthèse de ce qu'est cet album : une introspection cathartique, une recherche des la beauté cachée sous une surface de laideur. En conclusion, Scrape renoue avec les distorsions des débuts de l'album et sa batterie très présente. L'angoisse s'empare à nouveau du chant jusqu'à la crise de panique qui conclue le disque, nous renvoyant à la case départ.
Encore une fois, CHELSEA WOLFE livre un disque bouleversant, puissant, tourmenté, angoissant et beau. Moins noir peut-être que Abyss, Hiss Spun dégage parfois l'illusion d'un apaisement comme si l'exorcisme aboutissait enfin à une forme de sérénité. L'américaine nous offre peut-être son meilleur travail d'un point de vue vocal, et on est encore une fois admiratif devant la force et la sincérité de sa musique, si viscérale et oppressante. Hiss Spun est un album malade et obsédant qui ne peut laisser indemne.