C'est avec une régularité infaillible que CHEMICAL SWEET KID revient en 2017, sortant un nouvel album, le quatrième depuis six ans. Six ans, ça peut sembler court mais c'est aussi énorme quand on considère le chemin parcouru par le groupe originaire de Metz depuis un premier album très dark electro, attachant mais maladroit. Julien Kidam et sa troupe ont bien grandi, bien appris, et Addicted to Addiction est la concrétisation de ces progrès.
Les CHEMICAL SWEET KID ont toujours su trouver la formule pour sortir des morceaux fédérateurs, puissants, rageurs et accrocheurs mais avaient toujours un peu de mal à garder l'intensité de leur flamme sur la durée d'un album, ce qu'on regrette d'autant plus que le trio est carrément bon sur scène. Du coup, quand Addicted to Addiction démarre sur Never Enough, on a vite peur et pour des raisons inattendues : vue l'efficacité de la bestiole, on espère que le groupe n'a pas tout mis dans cette introduction ravageuse, aux refrains explosifs boostés par des guitares incisives comme il faut. Que nenni, ma bonne dame : il suffit d'une grosse dizaine de secondes à My Apologies pour nous rassurer. CHEMICAL SWEET KID a toujours eu des affinités avec un son plus rock (reprenant les Rolling Stones dès leur premier album), mais les riffs bien gras qui nous explosent en pleine tronche ici mettent facilement à l'amende le metal indus de COMBICHRIST et leur poussive dernière sortie. Sur Hate Me, Julien Kidam se calme un peu sur la testostérone et nous fait profiter d'un chant moins forcé, plus naturel, nous permettant d'apprécier sa palette vocale. Un répit de courte durée avant Ghost & Shadows, piste brutale ou le beat electro agressif des couplets laisse la place à la noirceur de guitares plus lourdes sur les refrains. Mais en terme de lourdeur, d'agressivité et d'efficacité, rien ne bat Fuck the Rest. Avec ses petites notes de synthé, ses gros riffs bourrins et son refrain braillé comme un hymne, CHEMICAL SWEET KID tient le rouleau compresseur absolu, l'apogée d'un album pourtant gonflé à bloc.
Difficile de passer après ça, et calmer le jeu avec Just Trying to Exist le temps de souffler était la meilleure chose à faire pour permettre à l'album de trouver un second souffle. Un peu de mélancolie ne peut faire de mal au milieu de toute cette violence, et on est surpris par la puissance émotionnelle qu'apporte la guitare placée au bon moment (bon, c'est pas un solo dégoulinant à la November Rain non plus, rangez vos briquets). Addicted to Addiction continue sa route déglinguée sans ne jamais faiblir, alternant entre la menace pesante de Some Kind of Madness et les éruptions de What the Fuck. L'album nous réserve cependant encore quelques belles surprises, tout d'abord avec Walk Hard, Stay True : le synthé se lâche et devient grandiloquent, accompagné par un chant où la hargne laisse la place a plus de théâtralité, le tout martelé par une guitare dont on ne dira jamais à quel point elle faut du bien au son du groupe. Il y a quelque chose de totalement décalé dans cette rage, de presque too-much, une noirceur exacerbée et une folie qui peut évoquer à un Danny Elfman débridé (à moins que l'on soit influencé par les visuels burtoniens du groupe : ici une pomme - empoisonnée probablement - poignardée de nombreux clous façon poupée vaudou). Et puis il y a cette deuxième voix féminine en écho sur We Are the Same, qui apporte plus d'épaisseur au spleen qui se dégage de ce morceau hanté à la mélodie entêtante tout en créant un contraste intéressant avec la dureté des cordes.
Chaque album de CHEMICAL SWEET KID a été meilleur que le précédent. On s'attendait donc à ce qu' Addicted to Addiction soit leur plus abouti. Non seulement on n'est pas déçus, mais on est même carrément surpris par la dimension qu'a pris le groupe, par les progrès effectués depuis The Speed of Time en seulement deux ans. CHEMICAL SWEET KID sort un album riche, varié, et convaincant de bout en bout. Sans se trahir, le trio a rendu sa musique plus complexe et plus intense, associant son efficacité habituelle à une émotion viscérale. Vivement la suite : s'ils continuent à essayer des choses et à densifier leur son de cette manière, ça s'annonce passionnant ! Allez, on prend rendez-vous dans deux ans ?