Valor Kand et Maitri sont de retour après une relativement longue absence (mais habituelle chez eux dernièrement) : The Root of all Evilution, leur derniers méfait enregistré en studio, date de 2015, et le groupe sortait également en 2020 St Valentin's Day Massacre, un live datant de 1990 à la limite de l'audible. Cette fois-ci, CHRISTIAN DEATH est un trio, avec Pao à la batterie et même un quatuor en live avec Chuck Lenihan qui prend une deuxième guitare. Reste encore à savoir si ce monstre culte a encore de quoi nous faire frissonner.
The Root of All Evilution marquait en son temps une rupture avec la machine à hits qu'était American Inquisition : moins conquérant, moins metal peut-être aussi, plus feutré et contenu. Evil Becomes Rule semble continuer sur cette voie dès The Alpha and the Omega : fond biblique, violon mélancolique, la voix grave et usée de Valor qui n'a rien perdu de son charme... Puis une guitare menaçante aux riffs presque doom et les chœurs de Maitri ajoutent une couche de noirceur : l'entrée en matière est réussie. C'est sombre, élégant, hypnotique. Le rythme est lancinant, charmeur comme un serpent, et même si CHRISTIAN DEATH n'a plus le même parfum de scandale qu'il y a quelques décennies, il se dégage toujours de la musique une certaine odeur de souffre (The New Messiah avec son groove malsain... et son sample d'Altered States aussi emprunté par MINISTRY dans Psalm 69). Sexe, drogue, blasphème : la recette évolue peu et donne au groupe cette aura si particulière, plus obscure et mordante que la plupart des groupes de la scène gothic rock. Le duo / trio cultive l'étrangeté et la dissonance, dans les cordes autant que dans le chant : ça gémit et ça grince. Evil Becomes Rule ressemble souvent à une malédiction ou une incantation (Elegant Sleeping où des parties très batcave rencontrent des guitares plus lourdes et agressives, Blood Moon et son refrain entêtant à deux voix, la plus pop Beautiful et son étrange ton à la fois vénéneux et contemplatif créé par le chant de Maitri, le morceau-titre et sa pesanteur brumeuse), tout en gardant un pied dans cet univers plus actuel et politisé apporté par Valor Kand (plus discret cela dit que dans les années 2000). CHRISTIAN DEATH met en avant les guitares, flirte régulièrement avec le metal, mais semble esquiver la frontalité : les titres sont enveloppés d'un brouillard empoisonné fait de menace et de mélancolie, à la fois mystique et hypnotique. On y apprécie la diversité des ambiances (Evil Becomes Rule, effrayante, contraste avec l'ouverture plus solaire de Who Am I), on en savoure aussi la tonalité funèbre, parfois même apocalyptique.
Evil Becomes Rule réussit à unir des influences doom, batcave et quelques touches pop gothiques. CHIRSTIAN DEATH y propose à la fois une belle synthèse de son univers tout en restant actuel. On n'échappe pas à quelques longueurs, mais l'ensemble se tient mieux que son prédécesseur, parfois un chouïa poussif. Si certains regretteront toujours la superbe intensité, le désespoir à fleur de peau et le second degré macabre des débuts ou auront du mal à accepter ces guitares appuyées et une approche plus accessible, ce nouvel album de CHRISTIAN DEATH peut se placer sans rougir parmi les plus honorables efforts de leur discographie.