Avec Lost In A Lost World, CHRYSALIDE sortait un premier album plein de bruit et de fureur, et qui signifiait tout sauf rien. Se hissant d'emblée au niveau de ce qui se fait de mieux en musiques industrielles en France (et au-delà), les deux frères derrière le projet posaient les bases de leur univers cyberpunk bruitiste et violent. Suite à ce premier album Syco & Arco (à qui l'on doit par exemple le label Audiotrauma mais aussi SONIC AREA) ont été rejoints par un troisième membre, Yoan Amnesy de NEON CAGE EXPERIMENT. Revendiquant une évolution perpétuelle, CHRYSALIDE sort définitivement de son cocon avec Don't Be Scared It's About Life, un album monumental, noir, puissant et qui marque au fer rouge nos tripes fragiles.
Tout commence avec Who's Still Alive, et sa voix futuriste en intro proclamant un "we are still alive" qui sonne comme un signe de défi. Et déjà, l'univers de CHRYSALIDE est là, identifiable entre mille, cyberpunk en diable : dans un monde moderne déshumanisé, eux sont vivants et comptent bien nous le faire comprendre. La rage sous-jacente suinte déjà de ces premières secondes entêtantes, mais c'est avec Traders Must Die que l'on commence à comprendre à quel point cet album va nous exploser au visage. Alors que les deux frères récitent leur texte, rappelant souvent SKINNY PUPPY en plus hardcore (le spectre vocal de Nivek Ogre hante l'album), de gros riffs de guitare viennent tout casser dans la deuxième partie du titre. Niveau boulet de démolition, ça rigole pas. Cybernetic Babies nous prend à contre-pied avec sa petite mélodie groovy, sa rythmique lourde plus lente et ses paroles rageuses récitées par les deux frangins. Ce début d'album absolument parfait ne faisait que nous préparer à la suite, et le carnage qu'est I Do Not Divert Eyes. Une petite mélodie à la SONIC AREA se fait massacrer par des riffs acérés de guitares saturées, mais ce qui marque le plus c'est l'alchimie entre les deux frères au chant. Se répondant l'un l'autre, scandant leurs refrains furieux qui jaillissent droit des tripes, ils assurent le show et confèrent à leur musique une puissance et une émotion frappante. Il y a quelque chose de profondément viscéral et personnel dans CHRYSALIDE, une sincérité et une colère communicative qui nous pète à la gueule avec la puissance du Pinatubo.
Loin du côté fun et second-degré de PUNISH YOURSELF par exemple, ou des postures cyber-gogoth d'autres formations, CHRYSALIDE propose quelque chose d'intime, très premier degré d'assez unique. Et derrière la rage, un message positif s'est pourtant imprimé dès le début de l'album : we are still alive. Il en résulte une succession de morceaux imposants, où chaos, colère et folie prennent vie grâce à la richesse des mélodies anxiogènes, aux cassures de rythme, au chant habité de Syco et Arco, aux guitares disséminées ici ou là et aux beats saturés qui rythment le tout. Du monumental mur de son qu'est le refrain de Fucking Doubt à la frénésie de Not My World, l'album enchaîne les tueries. Des mélodies se dégagent également quelque chose de poétique, onirique même : Lizzie and the Charming Prince et son refrain tout en montée en est le meilleur exemple. Don't Be Scared It's About Life est un album long, conséquent. C'est aussi ça CHRYSALIDE : dans sa démarche, le groupe donne tout et se montre particulièrement généreux. On pourrait craindre de se perdre en route, entre deux traumatismes sonores. Il faut dire que ces niveaux d'intensité et de violence ont souvent du mal à tenir sur la durée. Et pourtant, avec la craspec They Won't Get Us ou le refrain fédérateur de 2010, CHRYSALIDE maintient un niveau d'excellence impressionnant jusqu'au bout, avant de conclure dans le chaos sonore total sur Rest In Silence My Friend.
Don't Be Scared It's About Life est un album d'une puissance rare. Il est l'acte de rébellion d'un groupe s'opposant aux fascismes culturels comme économiques, ancrant sa musique dans une démarche sincère et impliquée. On note d'ailleurs la présence du drapeau Art is Resistance au dos du livret, petit clin d'oeil au Year Zero de NINE INCH NAILS qui proposait également la résistance par la création face à un univers dystopique. Fou, bruyant, parfois excessif et toujours addictif, Don't Be Scared It's About Life est un chef d'oeuvre absolu.