Même en étant de très mauvaise foi, personne n'irait confondre Toulon et Manchester et ça tombe bien : Curtism ne doit manifestement pas son nom à une maladie célèbre, le Iancurtisme, qui sévit sans pitié parmi les formations post-punk. Si l'influence de Joy Division rôde bien sûr ici ou là, le premier EP de ce tout jeune groupe fait déjà preuve d'une belle identité.
Pourtant, il y a bien cet héritage cold wave dans doityourself, mais où la mélancolie prend le pas sur l'angoisse, la basse ne dégage pas la même urgence, et l'introspection shoegaze impose des nuances moins tranchantes : Curtism cite également The Cure parmi ses modèles, on voit pourquoi. En cours de route, le groupe surprend et casse le rythme pour incorporer à sa musique des touches plus rock, viscérales : Curtism pourrait opter pour la lourdeur mais reste dans une nostalgie éthérée poétique, réservant les plus grosses secousses pour plus tard et le final d'otherways où les guitares prennent le pas sur le chant. Le spleen s'exprime en français le temps de violon & bille de verre : rafraîchissant sans être glacial grâce, encore, à cet équilibre doux-amer, cette nostalgie juvénile d'un temps qui n'est pas encore vraiment passé, ni vraiment arrivé. Comme il se doit, si l'on danse, c'est la mine triste et les yeux tournés vers le sol avec coolkid en conclusion, et toujours cette touche lo-fi qui lui donne des airs de révolte qui n'ose pas encore pleinement exploser par peur de trop attirer l'attention.
Si le respect des ainés est un socle toujours confortable, la force de Curtism réside dans ses émotions propres, sa personnalité qui jaillit dans ce chant discret, ses jaillissements qui lorgnent du côté d'un post-rock quasi solaire (mais voilé de fins nuages gris) et s'éloignent parfois de l'intensité et la frénésie de caves gothiques. Curtism ne fait pas dans le tapageur, laissant à sa sensibilité bien particulière les commandes et donnant à ce premier EP cette énergie si touchante dépouillée de certitude, de frime, d'effets d'annonce mais plein d'hésitations sincères.