On connaissait déjà Antoine Kerbérénès pour son rôle de chanteur au sein de la formation EBM Chrome Corps mais aussi à la tête de son projet indus énervé Null Split et de Marble Dagger, atypique mélange de neofolk, black metal et post-punk qui sortait plus tôt cette année son premier EP (chronique). Visiblement fasciné par les objets tranchants et le marbre, il sortait récemment le premier album de Dague de Marbre, mélange darkwave / techno / indus que l'on attendait avec un intérêt vif.
Le jeune artiste parisien a en effet su attirer notre attention à chacun de ses projets grâce à des approches personnelles immédiatement identifiables et une énergie qui lui est propre. Likeness of the Offender nous rassure immédiatement avec The Towers of Mankind : percussions métalliques, climat de mystère instauré par des mélodies orientales, tension, rage contenue... et toujours ce chant, clair mais empli de rancœur, de menaces et parfois de mélancolie. La touche est reconnaissable, mais le projet ne ressemble pas non plus à une copie de ses autres travaux. On se laisse emporter par les rythmiques, les amateurs d'EBM old-school aimeront transpirer, ceux plus proches des déviances de Skinny Puppy ou Calva Y Nada savoureront l'apport des nappes, mais la touche humaine apportée par le chant, hérité aussi bien des scansions de Front 242 que d'influences plus organiques, permet aussi à Dague de Marbre de se distinguer.
Avec l'utilisation de divers instruments orchestraux synthétisés, ses chœurs inquiétants et l'expressivité de Kerbérénès, Dague de Marbre plante un décor théâtral et intense (Each Ring that Decours Us, la flippante Naked in the Winter, malsaine et réjouissante) qui évoque parfois les ténébreux premiers albums de Das Ich, nous piétine avec un hymne martial conquérant (Baptisms) ou des élans quasi punk (Test of Faith) et ne ralentit jamais, même quand la mélancolie pointe le bout de sa moue boudeuse (Eulogy). On est particulièrement séduits par cette capacité qu'ont toutes les pistes à nous happer et nous remuer dans tous les sens : jamais Dague de Marbre ne se repose paresseusement sur la même idée pour construire ses morceaux. Les idées fusent et nous surprennent, créant parfois des effets dramatiques dont l'effet est amplifié par ce son si organique, viscéral et frénétique.
Avec sa production soignée, son inventivité, ses éclats de rage qui nous sautent à la gorge, sa capacité à agripper l'auditeur pour ne plus le lâcher, ce premier album de Dague de Marbre est aussi séduisant que convaincant. Les références classiques sont bien là, mais dépoussiérées et secouées par un univers à la fois mystique et évocateur, parfois même prophétique et grandiloquent. Il ne reste plus qu'à souhaiter à Likeness of the Offender d'atteindre son public : il le mérite et le potentiel est énorme.