Désormais surtout connu comme compositeur pour le cinéma auquel il a consacré les trois dernières décennies (notamment chez Burton), Danny Elfman est de retour avec un album "solo" (bien que plusieurs musiciens y participent, notamment Robin Finck et Joh Freese) reprenant une carrière abandonnée trente ans plus tôt (25 si l'on compte OINGO BOINGO). La surprise est grande mais ce n'est rien à côté du plaisir de retrouver ce turbulent génie s'exprimer pour lui-même, affranchi des directives d'un réalisateur ou des obligations d'un blockbuster.
Il y avait peut-être eu des signes avant-coureurs de ce comeback. Ceux qui ont eu la chance de le voir sur scène ont pu constater l'énergie du bonhomme et sa joie manifeste quand il fallait interpréter les chansons de Nightmare Before Christmas micro en main. Big Mess ne ment pas sur la marchandise : c'est un gros bordel foutraque, généreux et outrancier d'une longueur rare à notre époque. Mais après un si long silence, on n'allait quand même pas brider son énergie ou se la jouer timide.
Big Mess est à l'image de son facétieux créateur. L'album part dans tous les sens, est à la fois amusant, furieux, grandiloquent, ironique, parfois effrayant voire sinistre (la géniale Happy et ses relents de Men In Black, ou la lourdeur industrielle de True ou Choose Your Side). Collant à l'actualité en critiquant ouvertement les dérives fascistes de notre société, Elfman sortait un single le 11 de chaque mois depuis le début de l'année. Alors que ces morceaux pris indépendamment pouvaient paraître inégaux, l'ensemble, tout désordonné qu'il est, s'écoute avec plaisir. Energie punk, déviances noise / indus, théâtralité et emphase orchestrale font de Big Mess un ensemble réjouissant, sauvage, indomptable et malicieux. On s'amuse de la frénésie d'Insects, reprise d'OINGO BOINGO, on se perd dans les méandres épiques de l'incroyable Everybody Loves You avec ses cordes plaintives, ses guitares dissonantes et surtout son jouissif paradoxe : jamais entendre qu'on est aimé n'avait été aussi inquiétant ! Pendant ce temps, Danny Elfman danse avec les lémuriens, croone comme Bowie et s'amuse avec une fraîcheur et un mordant rares.
Big Mess est un sacré coup. Des albums d'1h10 qui ne sont jamais trop longs, jamais lassants, et qui débordent de l'âme de leur créateur à chaque seconde, il n'y en a pas des tonnes. Et quand le créateur est aussi brillant que Danny Elfman, qui peut enfin à nouveau laisser totalement libre cours à ses folies, on obtient alors une oeuvre folle. Big Mess, ce n'est pas seulement un album de Danny Elfman, un grand cirque de démence, Big Mess EST Danny Elfman. C'est dire.