S'extirpant des ténèbres lyonnaises, le quatuor lyonnais De Marbre sort un premier album auto-produit, Feu De Veines. Il aura fallu s'armer de patience pour le groupe qui, avant la pandémie, sortait ses premières démos et donnait déjà quelques concerts. "Feu déveine", comme on dit : cette fois, c'est la bonne.
On pourrait décrire la musique de De Marbre en juxtaposant ses influences : des grosses étiquettes telles que "post-punk" et "dark rock", le goût pour le théâtral et les titres rentre-dedans de Killing Joke côtoient des moments de poésie froide et lugubre à la Varsovie dans un français à la limite du spoken word. On y vocifère avec rage, des touches noise et electro pointent le bout de leur nez ici ou là et l'ensemble est à la fois gothique et psychédélique. De Marbre n'a rien de l'élève sage et appliqué qui respecte les consignes et croque avec appétit dans plusieurs genres, plusieurs sensibilités et s'affranchit des moules confortables. En témoignent ces guitares rugissantes qui nous sautent à la gorge dès Idole Invisible pour revenir régulièrement, les nappes de synthé perchées, les ruptures de rythme de New Moment, plus proche du post-rock que des bouderies à la Joy Division, ou encore les percussions quasi industrielles (la très agressive et punk Aucun Exit). Il y a pourtant cette basse typique qui bien souvent mène la danse (You're the Ghost, Sous Verre et ses horizons grisâtres) cette voix grave qui chante autant qu'elle narre mais monte dans les aigus, invoquant parfois le spectre du Christian Death de Rozz Williams (Sillon)... De Marbre tisse un univers parfois mystérieux, parfois démonstratif aux atmosphères fournies mais qui opte aussi pour la lourdeur et l'impact. Feu de Veines est un album emphatique et dramatique mais qui semble aussi penser pour fonctionner en live grâce à ses rythmiques accrocheuses mais aussi à ses morceaux qui, plutôt que de se reposer sur une seule idée, évoluent et mutent pour parfois nous embarquer sur des chemins bien tortueux et inattendus (le morceau titre).
De Marbre a pris le temps pour sortir Feu de Veines et c'est tant mieux : aucun titre ne paraît en trop, moins travaillé ou moins aimé qu'un autre. Les idées sont aussi multiples que les influences. Le résultat est riche, entraînant et on en apprécie autant l'exubérance de certains éclats que la sobriété et la poésie qui s'y expriment... Aussi classe que fou.