La scène gothique française des années 90 serait-elle en train de ressusciter ? Après LES TÉTINES NOIRES et CORPUS DELICTI, c'est au tour de DEAD SOULS RISING de se reformer, et eux reviennent avec un nouvel album paru en novembre dernier, baptisé Isadora en référence à la danseuse américaine Isadora Duncan, morte d'un dramatique accident à Nice en 1927. Formé à Lyon en 1993 par le guitariste Sébastien et la chanteuse Alastrelle, DEAD SOULS RISING avait séduit par son goth-rock cauchemardesque et onirique, on se rappelle notamment le long et ténébreux Morphée aux enfers. Vingt ans après, en proie à une furieuse envie de composer à nouveau ensemble, le duo est donc de retour avec cet album autoproduit, disponible uniquement au format numérique : à quoi cela peut-il bien ressembler, un album de DEAD SOULS RISING en 2019 ?
La première évidence lorsqu'on écoute Isadora est que cet album est beaucoup moins sombre que ceux du groupe dans les années 90 : l'aspect incantatoire et menaçant d'Ars Magica semble avoir définitivement disparu ; le duo dit d'ailleurs en interview chez nos confrères d'Obsküre avoir hésité à publier ses nouvelles compositions sous le nom de DEAD SOULS RISING. On retrouve en revanche un rock âpre dans la lignée du post-punk, assombri par une basse lugubre et des rythmes orageux qui nous rappellent l'héritage gothique de la formation ; l'heure n'est plus aux invocations quelque peu surannées mais à une musique plus simple, à la fois amère et entraînante. Le chant d'Alastrelle, de même, abandonne les susurrations inquiétantes d'autrefois et se fait beaucoup plus variée : parfois désespéré ou blasé, toujours sensible, il surprend surtout par sa tournure beaucoup plus pop voire jazzy sur certains titres, ce qui fonctionne étonnamment bien ; les refrains, en particulier, sont irrésistibles.
Passée la surprise de cette nouvelle formule de DEAD SOULS RISING, on s'attache rapidement à cet album en particulier pour sa diversité : Alastrelle peut passer des cris furieux à des refrains beaucoup plus doux et touchants, la structuration des morceaux ne cesse de nous prendre par surprise tout au long de l'album, les sonorités et les effets appliqués à la voix d'Alastrelle l'enrichissent savoureusement -l'électronique est ainsi étonnamment présente sur l'album comme en témoigne Tragic Night ! Même si la musique a beaucoup évolué, on reconnaît bien là le goût de l'expérimentation par lequel le groupe se démarquait déjà autrefois. Cette variété et l'étonnante influence du jazz peuvent faire penser à KATZKAB, mais dans une version moins théâtrale et plus rugueuse, où la guitare cassante et une basse pesante maintiennent cependant une atmosphère oppressante, où le chant d'Alastrelle est aussi plus combatif. Outre que, comme toujours, l'ombre de SIOUXSIE AND THE BANSHEES plane inévitablement sur l'album, mais le chant d'Alastrelle s'en différencie nettement, et s'il y a une chose par laquelle DEAD SOULS RISING lui ressemble par-dessus tout, c'est précisément son goût de sortir des sentiers battus -et, après tout, c'est aussi cette prise de liberté, dans sa danse, sa vie et ses engagements, qui fit connaître Isadora Duncan !
Il est vrai que la magie opère mieux sur certaines chansons que sur d'autres, le morceau-titre par exemple a un peu plus de mal à décoller, mais on identifie rapidement un morceau particulièrement marquant : Ailleurs In The Sky, le morceau le plus froid de l'album, est beau d'amertume et de perdition. Love Dolls brille lui aussi particulièrement avec sa musique délicieusement pesante en même temps que Alastrelle joue à merveille de son chant, et le très coldwave Cold Kisses clôture parfaitement l'album -la deuxième partie de celui-ci est d'ailleurs étonnamment meilleure que la première.
Ce retour que personne n'attendait est donc une excellente surprise ; sous une nouvelle forme, DEAD SOULS RISING n'a rien perdu de son énergie et de son goût de l'expérimentation, on ne peut que remercier Sébastien et Alastrelle d'être revenues nous offrir ces nouveaux titres.