DIE FORM est un dinosaure. Créé par le Français Philippe Fichot dès la fin des années soixante-dix, il participa aux expérimentations des premiers temps de la musique industrielle (Die Puppe, Some Experiences With Shock) ; à partir de l’album Corpus Delicti, il s’est ensuite fait un nom en se rapprochant d’autres formes de musiques électroniques pour devenir plus dansant mais toujours aussi froid, un genre à lui tout seul dans la grande famille des mélanges entre musiques électroniques et industrielles, sombre et perturbant.
Après une si longue -et glorieuse !- carrière, que pouvait bien apporter cet album de 2006, ExHuman ? On a l’habitude de voir les groupes sortir leurs meilleurs disques en début de carrière, puis perdre leurs griffes avec l’âge.
Mais DIE FORM n’a pas fini de nous surprendre.
Car contrairement à ses prédécesseurs, ExHuman n’est pas dansant ; il est lent, lourd, pesant. Le premier morceau Morphosis imprime à merveille l’ambiance qui sera celle de tout l’album : un cauchemar de sons industriels progressant lentement, répétitifs, distillant peu à peu l’angoisse ; quelques sons électroniques plus aigus et plus dansants qui apparaissent ici et là, certes, mais dont l’unique fonction semble être de souligner l’oppression qui se dégage de tout le reste ! Die Form réussit à maintenir cette ambiance tout au long de l’album, ce qui le rend d’autant plus immersif.
Et puis, au milieu de tout cela, il y a la voix d’Éliane, la chanteuse, le seul élément véritablement humain dans cet univers : mais, qu’elle soit désespérée sur Morphosis, faussement douce sur Neo Futura, érotico-vampirique sur Fatal Insomnia ou distordue sur Hypnogramme, elle n’exprime que la folie et la perdition dans ce monde ! La voix de Philippe, quant à elle, est systématiquement filtrée, un élément de plus de cet univers futuriste déshumanisé.
Outre Morphosis et Electroid qui sont les deux morceaux qui traduisent le mieux l’ambiance étouffante du disque, deux autres se détachent : Chaos Theory, plus fidèle au Die Form que l’on connaît, plus rythmé que le reste de l’album mais sans en remettre en cause l’ambiance, et surtout Pendulum, légèrement moins froid, effrayant -le morceau en devient un peu gothisant, évoquant la darkwave.
DIE FORM réalise peut-être ainsi son meilleur album, en tout cas celui qui m’a le plus marqué, le plus traumatisé. On pense parfois aux morceaux les plus calmes de FRONT LINE ASSEMBLY, mais DIE FORM s’en différencie par sa folie et son sens du glauque, parfois aussi à VELVET ACID CHRIST, pas très sain non plus, mais qui n’a pas le minimalisme implacable de DIE FORM -et après tout, less is more !
Bien sûr, ExHuman a les défauts de ses qualités : si vous cherchez un album aux rythmes vigoureux, ce n’est pas celui-là qu’il vous faut (par contre, certains de ses prédécesseurs devraient faire l’affaire) ; mais DIE FORM a réussi là un chef d’œuvre d’atmosphère oppressante, peut-être son album le plus noir.