DRAVEN est le projet solo de l'artiste grec Deamien Raven qui sort son premier album, Abyssal Arcana. L'horrorsynth, on croit avoir fait le tour : électronique retro, beats agressifs, inspiration "nostalgeek" puisée du côté des séries B des années 80, univers de comics entre la SH et l'horreur (il est question d'un vampire - qui a un petit air de Lobo - dans une cité nommée Necropolis)... Bref, une tambouille qui a fait ses preuves. Pourtant, DRAVEN réussit à convaincre dès son premier format long, dont chaque morceau renvoie à un film précis non explicité par l'artiste, histoire de titiller la curiosité de l'auditeur. En plus c'est ludique.
Ce qui séduit de prime abord chez DRAVEN, c'est l'efficacité de tous les instants. Les morceaux sont accrocheurs, rentre-dedans, dansants. Passée une intro-confession atmosphérique, The Horrifying Autopsy of Deamien Raven nous entraîne dans un tourbillon de folie qui, très vite, dévoile ses atouts. Ruptures de tons, mélodies lugubres simples mais redoutables, quelques cordes à la Psychose... Au petit jeu de la surprise, DRAVEN excelle. Il instaure une ambiance cinématographique avec très peu, empruntant à John Carpenter sa maîtrise du minimalisme glaçant et imparable (Cauchemar Noir évoque un mélange entre les musiques de The Thing et Prince of Darkness). Cette force de suggestion et ce lien avec le cinéma ne viennent pas seulement des ambiances créées mais de la construction intelligente des morceaux et d'une gestion de la tension qui permet d'instaurer un vrai suspense pendant l'écoute. De l'orgue, des chœurs, une atmosphère qui oscille entre le gothique et le cyberpunk : on se régale, et on remue la tête en faisant la bouche de gros dur.
Dans le genre, DRAVEN pourrait bien être un cousin de HOLLYWOOD BURNS : même goût pour l'orchestral qui ajoute en dramatique, même générosité et même gourmandise dans les influences et les envies, pour un résultat tout aussi jouissif qui fait souvent dans la démesure la plus jubilatoire (A Horrorsynth Symphony, ou les percussions apocalyptiques de Impalement & the Brazen Bull). Abyssal Arcana fait danser et impressionne aussi avec ses brumes mystérieuses qui aèrent les morceaux, son ambiance de rituel blasphématoire et ses mélodies entêtantes, obsédantes même, qui transpirent de démence (Le Vampire du Grand Guignol). On ne va pas se cacher que la tonalité très sombre de bout en bout est particulièrement plaisante : le son reste lourd, menaçant et vire même à l'indus bruitiste (Exsanguinated with a Drill - allez, mettons une pièce sur un clin d’œil à la meilleure scène de Body Double de De Palma, mais les meurtres à la perceuse font toujours sensation).
DRAVEN frappe très fort, dans un genre pourtant saturé. Sa musique se démarque grâce à une passion palpable, loin des postures faciles, une culture musicale et cinématographique flagrante et un talent de composition qui garantit à chaque morceau son originalité, sa fraicheur. C'est fun et fou : Abyssal Arcana est un album addictif sans temps mort et un véritable plaisir à parcourir pour tous les amateurs de choses qui éclaboussent, qui rampent, qui mordent et qui se trémoussent entre les tombes. Malgré son univers macabre et putride, l'album est une bouffée d'air frais salvatrice. Quel pied !