Chronique | Druon Antigon - Het Donkere Volmaakte Al

Pierre Sopor 20 décembre 2024

Druon Antigon, la bête cosmique du belge Lennart Janssen, est née de sa passion aussi bien pour le metal extrême que les expérimentations électroniques, la lourdeur tellurique des guitares et la froideur synthétique, les tourments infernaux du black metal et les étendues spatiales hallucinées. Après un premier EP paru en 2020, l'artiste sort enfin un premier album, Het Donkere Volmaakte Al, dont le titre peut se traduire par "l'univers de l'obscurité parfaite". Vous vous en doutez déjà : voici le genre de disque avec lesquels on aime se sentir insignifiant.

Lourdeur, agressivité, hurlements : De Doler pique au post-hardcore son goût pour la pesanteur écorchée avant d’accélérer le rythme en invoquant la frénésie du black metal. L'entrée en matière est sauvage et, alors que l'on pourrait commencer à trouver que ça se traîne, Druon Antigon révèle enfin tout son potentiel avec une coupure atmosphérique. L'occasion d'imposer une mélodie sinistre, un brin de contemplation et de donner à la noirceur des touches IDM à la Venetian Snares ou Aphex Twin. Une respiration avant de mieux replonger, en somme.

L'arsenal du cosmique monumental, massif et grandiloquent est familier. La musique est froide, sans pitié. Les images évoquées sont celles d'étoiles mortes, de planètes en ruine, de monolithes sans age flottant dans le néant. L'humain n'y a pas sa place et cet album est un terrain hostile dépourvu de réconfort. La lumière a été absorbée par le trou noir afin de mieux nous laisser apprécier cet enfer stellaire dans toute son imposante cruauté. On peut penser à une version sérieuse de Igorrr, avec ce talent pour mélanger les styles, pour passer du metal extrême aux danses désarticulées de pantins synthétiques. Il se dégage même une certaine poésie spectrale de ces parenthèses électroniques, à l'image de Midas et sa pause presque onirique avant un final apocalyptique.

On pourrait craindre qu'une certaine routine s'installe mais Druon Antigon continue de nous impliquer grâce à une surenchère de violence qui continue d'étonner et de nous ratatiner (All Paths Lead Inward et Collapsing Black) mais aussi des touches dark ambient cinématographiques réussies, à l'image de la conclusion Geen Begin Noch Einde, Enkel Verandering qui laisse plus de place aux nappes atmosphériques. Ces échos d'espoirs illusoires, à l'image des étoiles dont la lumière met plusieurs siècles à nous parvenir, sont en réalité morts depuis bien longtemps. C'est ça, l'horreur cosmique. Pour le réconfort, on repassera. En revanche, pour lancer un culte obscur à une divinité sans nom à bord d'une épave de vaisseau spatial, Druon Antigon fournit la bande-son parfaite.