Pour son premier EP, paru cette année, ETXEGIÑA a de quoi attirer l'attention. Le nom du groupe, dans une langue dont nous n'avons guère l'habitude dans le metal, nous intrigue : il ne s'agit pas d'un mot espagnol castillan mais d'une expression basque, désignant les constructeurs de maisons, qui fut le surnom de l'arrière-grand-père de Waldo Losada, le fondateur du groupe, dont ce n'était pourtant pas le métier. L'illustration de l'EP par l'artiste allemand Hagiophobic, sombrement belle, renforce notre curiosité.
Mais surtout, il y a la démarche : Herederos del Silencio ("héritiers du silence", en français) est un EP consacré à un thème historique, celui de la guerre d'Espagne, motivé par la volonté de rendre hommage à la lutte antifasciste, qui fait partie de l'histoire familiale de Waldo Losada, dont l'arrière-grand-père était un armurier antifasciste, qui a échappé au bombardement de Guernica -le bassiste et chanteur franco-espagnol l'explique en détail dans ses interviews (en anglais). Pour cet EP, il s'inspire en particulier des témoignages du journaliste anarchiste espagnol Eduardo de Guzmán, victime de la torture et des camps de concentration du régime franquiste. Voilà qui s'annonce intéressant ! On sait du reste que Waldo Losada est par ailleurs membre du groupe de black metal ACEDIA MUNDI, de même que son compère le guitariste Titouan le Gal avec lequel il a réalisé les compositions, le batteur Prosper Duffours complétant le trio parisien.
Sans surprise, ETXEGIÑA met la guerre en musique sous forme de black metal, mais celui-ci s'avère finalement moins rapide et plus sombre que celui d'ACEDIA MUNDI. Dans chacun des quatre morceaux qui composent l'EP, nous sommes écrasés de riffs black metal à un rythme pesant, destinés moins à nous entraîner dans une charge rapide qu'à nous imprégner d'une atmosphère étouffante, celle de la guerre ; sous ce martèlement impitoyable, le chant et la batterie nous entraînent dans une combativité désespérée, à laquelle on s'adonne aisément, porté par des mélodies de rage désespérée. Le chant en espagnol apporte sa musicalité propre aux compositions d'ETXEGIÑA, plus rugueux que l'anglais avec ses "r" mais avec plus de voyelles que les autres langues germaniques.
Le morceau le plus marquant par sa violence est La Montaña, évoquant la résistance au siège de Madrid : on sent bien sûr venir le déchaînement mais on ne manque pas de se laisser emporter lorsqu'il survient ! Moins violent sur le plan des riffs, le dernier morceau Los Cadáveres Insepultos de Albatera est quant à lui le plus sinistre, un mur de guitare saturée s'abattant sur une description des horreurs des camps de concentration décrits par Eduardo de Guzmán.
ETXEGIÑA n'aura donc pas seulement attiré notre attention : le trio l'a retenue pour le futur avec ce premier EP traduisant en musique la violence terrible de cette période de l'histoire pour la sortir du silence. On sait déjà que Waldo Losada envisage d'autres compositions, cette fois sans Titouan le Gal, mais toujours sur le thème de la lutte contre le franquisme, y compris au-delà de 1939. Affaire à suivre !