On devine que ça va cogner. Le groupe d'electro-indus américain Flesh Field nous a fourni une poignée d'albums depuis 1999 dont le dernier remonte à déjà douze ans, chacun se démarquant par ses rythmes violents et sa lourdeur, quelque part entre Front Line Assembly période Gashed Senses & Crossfire et le metal industriel. Ian Ross remontait à la fin de l'année dernière son projet seul, pour un cinquième album du nom de Voice of the Echo Chamber ; l'illustration de couverture réalisée par Clint Carney nous indique aussitôt que la voix en question sera meurtrière.
La métaphore de la chambre d'écho dépeint en effet la situation d'enfermement par lequel un individu n'est plus entouré que d'idées conformes à celles qu'il a adoptées, comme s'ils lui renvoyaient sa propre voix, l'amenant à se couper du reste de la société ; l'album représente d'après Flesh Field la radicalisation progressive d'un individu jusqu'au crime du fait de l'emprisonnement dans ses propres croyances, a fortiori dans une société surarmée comme les États-Unis.
Comme prévu, Voice of the Echo Chamber s'avère donc un album particulièrement tendu. L'introduction Crescendo nous plonge d'abord dans une ambiance anxiogène, construite par le brouhaha de voix humaines distantes et une nappe inquiétante, au milieu desquelles s'installent la violence portée par une batterie, des sonorités mécaniques et le chant saturé de Ian Ross, représentant la coupure qui se fait entre l'individu en voie de radicalisation violente et sa société. C'est efficace, et arrivé à la moitié du morceau on remarque aussitôt un changement significatif chez Flesh Field : le projet désormais unipersonnel ne craint plus de recourir au son d'une guitare saturée pour nous écraser ; elle fera plusieurs interventions ponctuelles au milieu de l'électronique tout au long de l'album, pas assez pour que l'on puisse parler de metal industriel, néanmoins elle contribue beaucoup à la lourdeur de l'ensemble. Les samples nous rappelant une humanité extérieure à l'individu disparaissent ensuite ; l'album se retrouve alors envahis par les bruits de machines au travail, frappant et grinçant au long de rythmes implacables, comprimant le chant toujours saturé et les quelques boucles électroniques, traduisant les obsessions agressives et paranoïaques dans lesquelles sombre l'individu. Plusieurs breaks et ponts rompent ce matraquage pour s'assurer que les coups de boutoir nous prennent toujours à revers. L'album ménage aussi quelques temps de respiration, et c'est heureux : des samples orchestraux interrompent parfois le massacre le temps d'apporter leur intensité dramatique, notamment sur Manifesto, et un piano se fait quelquefois entendre au milieu de la désolation, comme c'est le cas au début de Rampage.
Voice of the Echo Chamber est donc un album bien pensé, à la fois brutal et angoissant. C'est au milieu qu'on le préfère, sur les morceaux Arsenal et Manifesto où la violence atteint son paroxysme, ou lors du déchaînement final Reset -le disque s'égare un peu sur sa deuxième partie. Flesh Field ne réinvente certes pas les sonorités de l'indus, loin s'en faut, il se situe comme toujours dans la droite ligne de la scène nord-américaine ; cependant, qui cherche un écho de la violence de nos sociétés contemporaines en trouvera un fort efficace dans ce disque.