Chronique | Galibot - Euch'mau Noir

Pierre Sopor 4 mars 2025

Voici un groupe de black metal qui sait mettre en avant ses origines pour proposer un univers différent des poncifs du genre : les galibots étaient ces enfants, jeunes et chétifs, envoyés travailler dans les mines du Nord de la France pour un salaire dérisoire. Galibot s'ancre dans un terroir et, si l'on situe généralement l'Enfer sous terre, le leur est effectivement bel et bien souterrain mais moins mythologique : l'industrie minière sert de toile de fond à leur premier EP, Euch'mau Noir.

Loin de n'être qu'une coquetterie conceptuelle, cet univers se ressent dès l'intro Les Galibots : nappes menaçantes, sound-design de pioches... L'ambiance est tangible, claustrophobe et donne une touche cinématographique à la fois tragique et oppressante. Quand Galibot se déchaîne, c'est un black metal hargneux et fougueux (il n'est pas interdit de voir, dans le chant brut et écorché d'Agathe, des ressemblances avec celui d'Adèle Adsa de Houle), une tempête noire charbon venue des tripes. Cheval de Fosse et Courrières nous broient avec leurs rythmiques impitoyables, évocatrices de ce monde industriel où l'humain est réduit en charpie par les machines, jusqu'à l'aliénation (Les Nords, suintant de démence hypnotique). Pourtant, bien qu'aucune lumière ne filtre dans ces entrailles infernales, on devine au détour d'une respiration, d'une ligne de chant, une forme de mélancolie. Les plaintes spectrales en fin de Barbara ou le détournement des Corons de Pierre Bachelet dans Terre d'Euch'mau savent convoquer une émotion aussi surprenante que poignante. Galibot dénonce un monde inhumain, rappelle la mémoire de Zola, mais se réapproprie aussi l'histoire de cette terre, tâchée d'un sang invisibilisé par la noirceur du charbon.

Incisif, furieux, conquérant : le black metal de Galibot ne manque ni de mordant, ni de groove. Mais au-delà de cette ossature, il nous touche surtout avec son âme, cet ancrage fort qui se ressent à chaque instant, que ce soit dans les textes, la production, la texture de l'ensemble, son désespoir enterré. Ce premier EP est aussi sombre et massif que le plus intimidant des terrils. Et qu'est ce que c'est que l'Euch'mau noir, dans tout ça? Eh bien, c'est le Diable noir en Ch'ti. Et les enfers qui y sont déchainés sont finalement bien plus terrifiants que les fables grandiloquentes des diverses religions.