De l'aveu de la chanteuse Milena Eva, les confinements de 2020 ont fait ressurgir chez elle des traumatismes enfouis depuis des années. Le résultat a été This Shame Should Be Mine (chronique), déchirant album à la thématique aussi douloureuse qu'intime, accompagné d'une évolution stylistique radicale du groupe qui s'orientait vers plus de minimalisme et d'électronique. Une transformation qui prenait récemment une nouvelle ampleur alors que Ggggolddd se présentait l'été dernier en formation réduite sur scène (ils ne sont désormais plus que quatre) et nous faisait découvrir des versions actualisées de deux anciens morceaux. L'EP PTSD arrive alors autant comme une suite de l'album paru l'an dernier qu'une piste de ce que sera l'avenir du groupe.
Ce qui frappe immédiatement avec cette évolution c'est comment, au-delà de la musique, elle est cohérente avec le propos. Gggolddd est plus que jamais recentré sur le duo formé par Thomas Sciarone et Milena Eva et ce dépouillement récent met en valeur un propos abordé frontalement : l'auditeur ne peut alors plus fuir ce témoignage de viol, ni s'abriter derrière les trois guitares qui s'exprimaient autrefois. PTSD sidère d'emblée par son élégance absolue et sa sobriété presque austère. Il n'en est que plus bouleversant, laissant avec It's Over une boucle hypnotique et une mélodie simple mais obsédante accompagner un chant dont les intonations oscillent entre la plainte et une narration impitoyable. Redécouvrir He Is Not est un choc. Les guitares sont désormais réduites à de lointaines lamentations, le rythme ralenti impose un ton lugubre d'où suinte le désespoir, l'angoisse et la déception. L'impact de Gggolddd n'est plus dans la démonstration technique ou l'empilement des couches mais au contraire dans l'émotion brute dénuée d'ironie et le dépouillement.
Cette tristesse spectrale et glaciale est aussi sublime que bouleversante. On pense à l'album Third de Portishead et ses titres comme We Carry On ou Machine Gun, flirtant avec la froideur industrielle, mais dont Ggggolddd aurait accentué les côtés les plus sombres, l'angoisse et le désespoir (on avoue volontiers que depuis le remix de You Too Must Die par Bestial Mouths, on rêvait de voir les Néerlandais assumer pleinement une direction synthétique). Silence et la nouvelle version d'Old Habits appuient d'ailleurs dans ce sens, les machines imposant leur répétitivité aliénante et intraitable, ajoutant un sentiment de menace et d'oppression à la souffrance post-traumatique. L'artwork montre un monde en ruine, une métaphore que le groupe pousse jusqu'à une éventuelle reconstruction abordée en fin d'EP avec I Let My Hair Grow et ses soupçons d'espoir nuancés qui concluent PTSD sur une note douce-amère : la guérison passera une forme d'abandon, de laisser-aller.
En associant à la dure frontalité du texte une orientation musicale minimaliste, associant la douceur à l'horreur, Ggggolddd n'a pas seulement ouvert une nouvelle piste artistique dont chaque titre est d'une justesse impressionnante de maîtrise. En témoignant sans artifice, le groupe a aussi créé une connexion personnelle nouvelle avec l'auditeur. On est à la fois tétanisés et transportés par ce long chemin parmi les ruines que PTSD poursuit tout en nous laissant entrevoir une lueur à son bout, une renaissance qui est alors bien plus qu'artistique. En attendant, avec seulement cinq titres, PTSD est un chef d’œuvre bouleversant et fascinant, dont le courage dépasse de loin la sphère musicale.