GGGOLDDD est de retour avec un album parlant du viol dont a été victime sa chanteuse Milena Eva quand elle était plus jeune et ses conséquences, un thème dur et intime qui, d'emblée, glace le sang et, forcément, intimide. Il y est question de confiance, de honte, de la société et ses mensonges, mais aussi de courage : ce n'est pas pour rien si elle se présente en armure sur la pochette de This Shame Should Not Be Mine.
Au fil des années, GGGOLDDD a imposé son élégant mélange post-punk-post-metal-post-rock-pop et pourtant on pressentait dernièrement une certaine mutation du côté du groupe néerlandais. Depuis le magnifique Why Are You Laughing?, il y a certes eu ce semi-changement de nom mais aussi quelques titres enregistrés pendant le confinement, plus intimistes. C'est d'ailleurs dans une ambiance feutrée que se déroulent les première secondes de ce nouvel album : une pulsation électronique inquiétante, un synthé sinistre et une voix récitant d'un ton absent quelques lignes et c'est tout ce dont on a besoin pour, en à peine une minute, être happé par ce nouvel album avant que la batterie ne fasse monter la tension et que la guitare installe une mélodie simple qu'un brouhaha angoissant de voix vient recouvrir. C'est lugubre et déjà bouleversant d'efficacité. GGGOLDDD ménage ses effets et avec une certaine économie de moyens frappe très fort : l'amertume et la rage contenue de Strawberry Supper qui finit par exploser via une basse épaisse, apocalyptique et la voix d'Eva, à la fois impitoyable et désespérée ou le brouillard de guitares hypnotique de Like Magic (peut-être la chanson où les influences extrêmes du groupe sont le plus présentes) et son chant cristallin aux airs d'incantation achèvent de nous convaincre : GGGOLDDD n'a rien perdu de son talent fou, de sa classe, de sa puissance pour exprimer avec sobriété et élégance les émotions les plus violentes.
Spring s'ouvre alors sur les mots "I didn't see it coming", une phrase qui trouve un drôle d'écho : nous non plus, nous n'avions en fait pas vu venir ce disque. On y note une évolution chez GGGOLDDD qui s'éloigne peu à peu de ses zones de confort, orientant This Shame Should Not Be Mine vers une épure, un minimalisme où l'électronique prend souvent le pas sur les guitares (on pense à la trip-hop lugubre de PORTISHEAD), laissant la place à des mélodies obsédantes qui viennent nous hanter (Invisible et Notes on How to Trust). C'est avec le morceau-titre que cette idée culmine : This Shame Should Not Be Mine fait preuve de force et de puissance mais aussi de grâce. Laissons les garçons s'amuser avec les manches de leurs guitares : le courage et la force s'expriment ici dans la vulnérabilité et, toujours, une mélodie entêtante. Dans son minimalisme, l'album laisse à sa chanteuse tout l'espace nécessaire pour respirer, s'exprimer, mais aussi se reconstruire. Cela n'empêche pas Beat by Beat de conclure en apothéose, donnant un souffle épique et conquérant, solaire même à cette fin de cauchemar cathartique.
On croyait connaître GGGOLDDD, et on aurait été déjà ravis de les entendre faire la même chose qu'avant. Mais non : le groupe semble avoir pris un recul sur sa propre musique et y a donné un nouveau souffle, plus intimiste mais aussi plus fort. Ce n'est pas dans le tumulte des guitares que GGGOLDDD exprime sa toute-puissance créative, mais plutôt dans cette capacité à faire jaillir les émotions les plus violentes avec une sobriété, une discrétion même, qui force l'admiration. This Shame Should not Be Mine est un album glauque et pourtant sublime, une reconquête progressive d'espoir et de confiance.